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15/06/2019

Le retour du dauphin virtuel

Chapitres        Titres
01 Le temps passe lentement pour le prisonnier
02 Un rêve peut-il être prémonitoire?
03 Une visite totalement impromptue et inespérée
04 Une sortie de prison prématurées tous les prisonniers en rêveraient
05 La crim a l'ouvrage... enfin si c'est la crim...
06 Entre risques et résolutions
07 Halloween se manifeste
08 Armistice ou crise?
09 Un Black friday pas comme les autres
10 Opération Coyote
11 Un épilogue en queue de poisson

..

01: Le temps passe lentement pour le prisonnier.

La prison, cette fleur noire de la société civilisée.,  proverbe espagnol

Combien de fois, pendant toutes ces années pendant lesquelles je croupis dans cette cellule, n'ai-je pas regretté mon geste impulsif et malheureux d'avoir tué Vic qui avait confiance en moi et parfois en dehors de sa volonté initiale a permis de travailler ensemble, enfin travailler, entend-on nous? Pirater ensemble est plus exact.

Tuer le temps en prison, voilà ce qui fait la vie du détenu. Je me souviens de la vie à l'extérieur et des travailleurs qui espéraient atteindre l'âge de la retraite. Bien sûr à l'extérieur ce n'est pas le travail qui tue, mais le stress qu'il génère dans notre époque moderne où la rentabilité est le principal outil de la perte de goût au travail. 

En prison, c'est l'oisiveté qui qui tue. Plusieurs prisonniers se proposent pour effectuer un travail utile à la copropriété. Parfois, cela génère une espérance pour le retrouver une fois sorti. 

Tuer le temps, cela s'apprend comme le reste.

Je me suis torturé l'esprit à ressasser le passé pour tenter de comprendre mon geste, de me comprendre, de comprendre les raisons pour lesquelles je me suis retrouvé en taule.

Je ne sais toujours pas qu'est-ce qui a pu générer cette volonté de l'éliminer pour faire mon petit "commerce" seul et récupérer les bénéfices des opérations de piratages pour moi seul alors qu'il aurait peut-être mieux fonctionné en tandem avec Vic.

Je suis croyant comme la plupart des Roumains et des Polonais dont j'ai mes racines.

Un croyant d'une idéologie qui se doit d'être solidaire avec d'autres dans ce qu'ils réalisent ensembles.

En révisant le passé, je dois admettre que si j'avais signé ce contrat idéologique qui fait que je méritais deux fois la prison, j'étais un traitre à la foi que l'on m'avait inculqué dès ma naissance.

J'avais une curieuse ressemblance de mon acte en l'associant à la trahison de Judas vis-à-vis de son maître Jésus.

Se rappeler du passé permet de revivre des événements en séquence, chronologiquement, logiquement du moins en esprit pour ne pas perdre la raison de sa présence derrière ces murs.

J'étais ici en prison depuis mars 2009 après mon procès.

"Les gens jugent sur l'apparence et les impressions que vous leur laisserez. attirez les par votre sympathie et votre humilité. Faites le jeune homme naïf et crédule. Faites-le douter. Je ferai intervenir votre antécédents familiaux et le fait que vous n'avez eu ni chance ni soutien dans la vie.", répétait mon avocat.

Tellement abattu de m'être laissé cueillir sans résistance, je prenais les paroles de mon avocat comme s'il s'agissait de l'évangile.

Je me doutais que l'ultime conviction des jurés se négocie en fonction de paramètres dans lesquels la raison n'avait pas plus beaucoup d'influence au seul bénéfice d'affaire de cœur et de sensibilité.

J'avais été renvoyé à Paris où j'ai subi un interrogatoire pendant le temps d'une longue garde à vue pendant laquelle les enquêteurs se relayaient pour me questionner sans relâche.

J'ai commencé à nier les faits qui m'étaient reprochés. Le piratage n'était pas difficile à prouver par les enquêteurs. Tout était encore disponible dans l'appartement de Vic qui pouvait le prouver. Son corps étendu sur le sol, la masse qui a servi pour l'éliminer, je refusais d'en être responsable pendant des heures. Mais mes empruntes et l'ADN ont servi pour responsabiliser après des heures d'interrogatoires.

Grâce à mon avocat qui avait pu prouver que mon geste n'était pas prémédité, la peine a été commuée à onze années de détention. Ma peine aurait pu me coûter la perpétuité et je l'ai acceptée sans faire appel au jugement. Pourquoi onze ans? Pourquoi pas moins ou plus? Les tarifs sont tellement dépendants de paramètres qui m'échappent, liés à l'environnement et à la tête du client lors de son jugment et de son remord.  

Mais plus tard, une fois condamné, les paroles échangées pendant le procès me servaient pour vivre mieux dans cet univers carcéral et ma punition.

Cela faisait dix ans que moi, Greg, je mijote dans une cellule de 9 mètres carré de moyenne dans la prison de la Santé à Paris. Enfin, pas tout à fait comme je l'expliquerai ci-après.

J'ignorais pourquoi on appelle cette prison du 14ème arrondissement de Paris, "Prison de la Santé". Elle n'apporte pas vraiment la santé.

D'après ce que j'en avais appris par un taulier ce nom date d'une vie antérieure dont le nom qui doit l'avoir suivi.

J'étais dès le début dans le bloc A, celui qui accueille les prisonniers occidentaux, malgré le fait de mes origines. Il parait que de grandes personnalités y ont été incarcérées dans l'histoire de cette maison de détentions. Cela me faisait une belle jambe mais eux comme moi n'y ont jamais trouvé un hôtel trois étoiles. 

"Hic sunt Dragones"que l'on pourrait traduire en disant que la prison a toujours été un endroit de tous les dangers.

Avant 2014, cette prison était vraiment vétuste.

Elle a été fermée ensuite pour rénovation jusque récemment.

C'est dans les premiers mois de cette année 2019 que quelques prisonniers, déplacés pendant cette période de travaux, ont réintégré les cellules complètement remises à neuf. J'ai fait partie de ce premier peloton.

Elles ne sont toujours pas de grand luxe, mais la transformation par le modernisme est notoire et valait la peine de ce transfert.    

J'ai eu la chance ou la malchance suivant le cas de partager ma détention avec plusieurs prisonniers.

Le dernier en date est un homme, prénommé Raymond.

Avec sa taille respectable de bien 20 centimes au dessus de ma tête, des muscles à ne plus savoir qu'en faire mais sans prétention intellectuelle, a partagé ses réflexions et confidences avec moi lors de de dialogues interminables.

Avec le temps, j'ai appris à le connaitre de tellement de manières qui ne me touchent pas vraiment, je l'avoue, mais dont je ne lui en ai jamais laisser paraître mon désintérêt. Je l'ai même incité à me raconter son histoire avec les raisons qui l'on poussées jusqu'ici.

Je l'avais déjà comme quo-prisonnier quelques mois avant notre transfert de la prison de la Santé pendant sa restauration.

Il s'appelait Raymond et il avait tué son épouse par jalousie. Sa dulcinée avait dû démériter de sa confiance trop longtemps mais il n'avait rien remarqué en revenant de l'usine où il travaillait. Quand, un jour, il l'avait trouvée dans le lit conjugal avec un acteur différent, cela avait dépassé d'un coup son entendement et il l'avait tabassé à mort et avait pris un couteau pour sa femme comme deux victimes.

J'avais déjà constaté en prison qu'il ne reconnaissait pas sa force de rustre quand il était en colère.

Son cas était d'une telle banalité tellement de fois reproduites suite à une folie passagère non contenue que la justice qualifie de crime passionnel sans intention de donner la mort et sans préméditation...

Sa rencontre avec la "femme de sa vie" est presque une blague de justice que les hommes de lois se racontent avec humour.

Il l'aimait toujours, c'était évident. Je suis sûr qu'il ne regrettait rien et que si c'était à refaire, ce serait rebelote.

Il avait dû en baver des infidélités de son épouse, cela ne devait pas être une première mais il n'avait connu que celle-là par accident de timing.

Probablement, trop belle pour lui d'après la photo qu'il m'avait montré, elle n'était-ce pas à son galop d'essai.

C'est en général ce genre de femmes trop belles qui se retrouvent dans le lit d'un imposteur comme moi pour qui les femmes n'étaient qu'un passe-temps de passage sans prolongation. Des filles, j'en ai connu quelques unes, en effet, mais cela n'a jamais duré plus d'un à trois mois.

Il y a des hommes et des femmes qui sont instables de naissance et d'autres qui restent fidèles à une fausse idée d'un besoin commun à vivre les problèmes ensembles toute leur vie.

A mon avis, rien de plus banal qu'un crime passionnel en définitive et il ne m'apprenait pas beaucoup de choses à retenir de son histoire.

Je l'écoutais donc d'une oreille distraite et ne l'interrompais que quand je pensais que la cohérence de son récit n'était plus restée dans l'ornière nécessaire à la seule logique. La putain de logique avait toujours été dans mes prérogatives par mes besoins de clarté pour expliquer mes actes.

Voyant que je ne le croyais pas, sanguin, son visage rougissait qu'il éclairait alors d'un sourire narquois ou fâché suivi d'une réplique plutôt cinglante à mon égard.

Mais sa réaction fougueuse s'apaisait très vite quand de mon côté je restais cool en faisant semblant de comprendre le trouble dans lequel il tentait de m'introduire.

Comme il devait partager ma cellule et mon temps dans cet espace réduit, il valait mieux ne pas apporter de jugement ni trop négatif ni trop positif pour ne pas paraître béas et ne pas lui générer des troubles obsessionnels supplémentaires puisque dans le fond je ne méritais pas plus d'égard de la société que lui.

Mon attitude de "copinage" m'avait servi un jour lors d'une altercation entre deux clans. J'avais eu le malheur d'être à proximité et l'un d'eux m'avait pris en grippe. C'est mon "copain de chambrée" qui était venu à la rescousse pour me soutenir et faire bouclier. Je l'en avais remercié et il m'avait répondu par un sourire.

On ne rencontre presque jamais de gens biens en prison. Du maton au directeur de la prison, il ne faut pas se leurrer sur leur job de surveillance qu'ils exerceront en abusant souvent de leur pouvoir par de brimades et des engueulades. Un boulot à passer ses ses journées jusqu'à la retraite avec le risque de prendre un jour un mauvais coup dans une ambiance carcérale comme des prisonniers et en plus, probablement pour un salaire de misère, faut pas rêver.

Au sujet de ma propre histoire, j'ai été plus discret envers lui.

Ce n'était pas une obligation, mais cela m'évitait d'avoir à lui raconter ce qu'étaient les magouilles potentielles de l'informatique et sur les réseaux dits sociaux dans lesquels je m'étais engouffré avec Vic quand on avait fait équipe. J'aurais dû expliquer mon geste alors que je ne le comprenais plus vraiment moi-même.

En prison, le passé de chacun revient toujours pour meubler l'oisiveté surtout quand les heures s'étirent trop sans que le temps passe mais parfois il faut user de subterfuge et de palliatif.

La vérité qu j'aurais dû dire c'était que cinq minutes d'impulsions morbides m'avaient mené à des années de taule, de journées inutiles qui n'apportent rien à personne.

Si je l'avais donné aussi courtement avec cet angle de vérité, il aurait peut-être dit:

- Raconte, Greg. Cela doit être plus passionnant que mon histoire.

Plus passionnant. C'est une autre passion qui régissait mes actes et je n'avais pas l'intention de lui en raconter plus qu'il ne faut. Pas sûr qu'il aurait compris.

Pendant longtemps, au sujet de ma "cordée binaire" avec Vic, j'étais donc resté assez taiseux ainsi que sur ma vie antérieure sans donner de détails sur les raisons de ma présence dans ce lieu de perdition.

Mon explication sur celle-ci, je l'expliquais par une suite d'événements, de quiproquos, d'amalgames moins difficiles à expliquer et qui ne demandaient pas de prolongements.

J'avais assassiné, Vic, mon maître à penser, après une altercation avec lui qui avait mal tournée.

Il s'était tué en tombant et je n'avais pas pu prouvé que c'était un accident.

Ce fut la seule explication que j'avais trouvée pour ne pas m'appesantir sur la connerie de mon véritable assassinat.

A l'époque, j'avais 27 ans et Vic, à peu près une vingtaines de piges en plus.

Aujourd'hui, j'en ai presque dix de plus.

Quand j'ai été pris, incarcéré en attente en garde à vue, pas question d'espérer d'aller à l'enterrement de Vic.

Mon avocat m'avait raconté le déroulement de l'enterrement par quelques échos de comment cela s'était passé, de qui s'était déplacé pour suivre le corbillard au cimetière.

Le moins qu'on puisse dire comme nécrologie, c'est que ce fut un enterrement que l'on dit "dans l'intimité" et surtout sans fanfares ni trompettes.

Ce jour-là de 2009, ce fut un enterrement bien sombre avec de la pluie parisienne qui tombait à seau. Peu d'accompagnateurs pour suivre le corbillard si ce n'est la concierge de l'immeuble où Vic résidait, quelques collègues où il travaillait et l'inspecteur qui avait enquêté sur notre affaire et qui espérait peut-être apercevoir des complices ou des commendataires de nos actes du temps où Vic et moi sévissaient sur la toile.

Le moins que l'on puisse dire, c'était que le cimetière n'avait rien à voir avec le Père Lachaise où les célébrités ont l'habitude de trouver repos dans un refuge éternel.

Cette intimité, c'était comme si Vic n'avait jamais eu de famille, arrivé comme par miracle comme un enfant perdu venant d'une forêt du fin fond de la Roumanie.

C'était moi et moi seul, le con qui avait été son criminel sans aucune connivence extérieure ni préméditation.

Un coup de folie, voilà ce que c'était. 

Mais on ne revient jamais en remontant au temps jadis qu'en recherchant des excuses dans des amalgames de situations.

Je ne mériterais pas plus d'égard que mon coéquipier de ma cellule. Ça, c'est sûr.

J'ai tenté de faire défiler mon passé dans ma mémoire intime en remontant même plus loin dans le temps qu'au moment d'avoir connu Vic.

J'avais un frère et une sœur. Je ne sais ce qu'ils sont devenus. Dans le foyer familial, nous n'étions pas riches et très peu solidaire entre frères et sœurs. Je suis presque sûr que c'était ma mère qui nous avait désiré mais que notre père ne voyait que bras gratuits de plus pour son entreprise d'outillage.

Et comme toujours nous parlions très souvent d'argent entre nous.

Mon père avait pris la clé des champs alors que j'étais en pleine adolescence.

Je ne considère pas mes parents comme responsables de mes actes. On ne m'avait jamais poussé à faire les choses dont je n'avais pas envie.

Il y avait surtout ce putain d'argent ou plutôt son manque, pour aller chercher à manger et à boire ou pour espérer obtenir un plus dans la famille, qui nous avait obnubilé pour nous former à la dure par notre mère qui était à la base de ma ma dérive.

J'étais le plus prometteur du côté intello et j'ai eu plusieurs fois des simili-batailles avec mon père pour exiger de suivre des cours qui dépassaient sa marge acceptable avant sa disparition.

C'est marrant de constater après coup, que moins on a d'argent, plus on en parle.

Intellectuellement, j'étais en avance sur beaucoup d'autres de mes condisciples de classes.

Un fils prodigue se sent très vite déphasé avec son entourage et se retrouve en marge de la société si on ne lui donne pas les moyens d'assumer sa différence.

Je voulais vivre ma vie à deux cents à l'heure mais sans les moyens financiers, j'avais commencé ma vie d'adolescent par de menus larcins pour combler ce manque à gagner.

M'introduire dans les maisons pour dérober quelques objets qui pouvaient avoir instinctivement de la valeur des choses et qui correspondaient à mes goûts personnels ne correspondaient pas toujours à la réalité des prix pratiqués sur le marché.

J'étais comme quelqu'un qui devant une œuvre, devait avoir un coup de cœur avant de me poser la question du prix alors que pour l'acheteur-receleur n'avait rien d'un collectionneur amoureux des objets.

Souvent, je m'étais trompé sur la "marchandise".

Une question de feeling et de culture personnelle...

Quand je voulais vendre mes larcins, je me faisais avoir par le premier receleur qui me disait que cela ne valait rien et que si je voulais vendre ma camelote, il fallait que je revienne avec des ambitions plus raisonnables et surtout plus simplistes au sujet du prix que j'en demandais.

A l'inverse, la culture et la beauté des objets s'évaluaient en montant de pognon avec les gogos qui venaient apporter des œuvres d'art volées mais cotées dans les catalogues.

Comme au départ, je n'avais jamais eu que de très modestes besoins et que mon expertise était quasiment nulle, je revenais et vendais au prix que le receleur voulait m'offrir sans avoir chercher si ce que je vendais, en valait plus.

Heureusement pour moi, avant de réaliser un véritable casse, j'étais devenu un maître dans l'évaluation des risques que je prenais et j'avais toujours réussi à limiter la casse sans être capturé par la police.

Je savais étudié les risques d'une opération avant de la mettre en œuvre.

J'étais oisif mais on ne me dérangeait pas avec des filons boiteux que les copains se pressaient de me communiquer.

Après, je me suis mis à étudier l'informatique et tout ce qui tournait autour du numérique avec passion. J'avais obtenu une certaine expertise et compétence dans ce domaine qui n'était plus tout à fait nouvelle mais qui faisait partie des nouvelles technologies ayant un avenir toujours tout tracé.

Peu de temps après ce départ laborieux, arriva Internet dans quelques foyers roumains assez huppés et leurs ordinateurs m'attiraient comme l'aimant.

J'avais tout de suite ressenti que dans mon village, je n'irais pas très loin pour exercer mon apprentissage.

Cette vie de la prime jeunesse, je l'avais percée avec des bosses dont je me rappelais parfaitement les coups.

En fin d'adolescence, j'avais d'abord regagné Bucarest, notre capitale où mon goût pour l'étude avait été remarquée et le prof d'informatique m'avait pris sous son aile pour renforcer mes envies.

Mais mon ambition était de devenir riche pour épater mon père. Les salaires pratiqués dans ce pays me disaient que je n'allais pas pouvoir y arriver très vite au niveau de mon idole, Bill Gates.

Ma décision était prise: aller à Paris ou à Londres avant de m'expatrier aux États Unis.

Ma mère avait bien essayé de me retenir ou de m'empêcher par une foule d'arguments mais quand j'avais une idée, il était difficile de m'en détourner.

Immigrer définitivement, j'y avais évidemment pensé. Certaines entreprises étaient demandeuses de ce genre de qualifications et j'obtins bien vite un passeport français pour immigrés. 

J'étais devenu Parisien d'adoption avec un accent terrible dans la langue de Molière qu'il me fallait roder au plus vite.

Avec mes qualifications et ma gentillesse intéressée apparente dont je ne faisais aucune exclusive, personne n'aurait pu imaginer que mes desseins pouvait être moins avouables.

Vic, lui, était parisien et exerçait ses talents déjà depuis près de vingt ans dans une entreprise dont je ne me souviens plus du nom.

Vingt ans d'écart existaient entre lui et moi. Je ne pensais pas le dépasser quand une occasion s'était présentée.

Avant de le rencontrer en dur, je l'avais repéré sur la toile à la suite de ses recherches de victimes ponctuelles dans sa deuxième vie qu'il alternait comme Docteur Jekill et Mister Hyde.

Très vite, il m'avait semblé intéressant de suivre ses agissements sans qu'il s'en aperçoive dans une période creuse de mes activités de jour.

Je sentais que lui et moi avions les mêmes buts dans la vie et que le piratage apportait de multiples ressources.

Ma concurrence avec lui était presque devenue pour moi une obligation de le démasquer par envie et par chalenge.

Ses magouilles, je m'en étais instruit comme s'il s'agissait d'une proie pour le faire devenir, à son tour, un arroseur arrosé, à son insu.

Puis, ce furent la rencontre au forcing, le mélange d'idées entre pirates et mon désir de brûler les étapes qui avait engendré mon envie d'éliminer celui qui était devenu "mon maître virtuel".

Une fois, mon meurtre perpétré sous une impulsion, ma fuite non préparée avait été de courte durée comme un jeu d'enfant pour des flics entraînés. Je m'étais laissé prendre comme un pigeon par l'aide commune de deux polices locales et par Interpol.

Il est vrai qu'à deux, Vic et moi, nous avions déjà éveillé quelques soupçons dans nos agissements et que quand on touche à la Bourse pour la truander, cela ne reste pas inaperçu très longtemps.   

Je m'étais évadé de Paris croyant que je serais plus à l'abri sur une île qui n'était pas encore très touristique.

J'ai été capturé à Gozo dans l'archipel de Malte, là où Vic avait une maison sur la côte. Je l'avais juste regagnée et la flicaille m'y attendait.

A Paris, j'ai tout avoué lors de mon procès, j'ai été déclaré coupable sans circonstances atténuantes de vol, de meurtre et d'autres accusations dont j'ai oublié les noms de la liste.

Mon avocat qui m'avait été assigné, n'était pas mauvais. Il avait trouvé quelques excuses familiales mais cela n'avait pas empêché de me retrouver en finale dans cette prison parisienne.

Sans mobiles jugés normaux par les juges sinon dans la tête d'un jeune écervelé psychosomatique, il n'y avait aucun besoin de trouver d'alibis péremptoires.

Tout me dénonçait. Même les collègues de Vic me pointaient du doigt comme seul responsable de mes actes en oubliant le côté sombre de Vic.

L'appartement forteresse de Vic avait été un piège dans lequel je m'étais installé pour y transformer mes fantasmes, engouffré comme un voleur d'idées dans une véritable jubilation de les avoir découverts, transformée en volupté sadique et narcissique de l'élève qui veut devenir plus fort que son maitre jusqu'à l'éliminer.

A chercher des excuses à mon acte, j'ai glissé sur mes propres erreurs de jugement d'une situation qui me dépassait.

J'avais toujours voulu faire à ma tête sans soutiens familiaux et en me laissant aller à mes impulsions malfaisantes d'une banalité affligeante malgré mes facilités dans l'instruction. 

La prison m'a apporté les leçons que j'aurais dû recevoir bien plus jeune.

Les règles de vie d'un détenu sont rigoureuses et c'est apprendre la patience car à chaque détenu libéré, c'est un réflexe d'établir un nouveau décompte du temps à attendre jusqu'à sa propre liberté.

Depuis, en prison, habitué depuis l'enfance à me réfugier dans des rêveries solitaires, je modifiai ma manière de penser, en devenant plus social en gardant des relations cordiales avec mes geôliers et mes cohabitants prisonniers.

J'ai même commencé à raconter toute cette histoire dans un cahier.

Au départ, à mon arrivée dans les lieux de détention, il y avait bien eu quelques problèmes comme on les réserve toujours aux bleus dans toutes les prisons du monde pour tester les nouveaux arrivés.Un passage à la fouille que tout les prisonniers connaissent, les fesses à l'air et le cul desserré.

D'une confrontation avec les gros bras de la prison, je m'en étais ressorti avec quelques ecchymoses sans grandes gravités.

Les gardiens m'avaient demandé comment je me les avais faites, mais je n'avais dénoncé personne parmi mes colocataires forcés.

Cela m'avait valu plus de respect de leur part, d'être adopté par les anciens et les petits groupes de détenus sous le contrôle de leaders.

Comme dans toutes les prisons, je suppose, de petits clans se forment autour d'un protecteur qui joue au caïd.

Avec une énergie teintée de bonne humeur, presque avec plaisir du moins en apparence, j'avais accepté toutes les corvées que les gardiens m'assignaient.

Ici, il n'y a pas d'enfants de chœur. parfois ce sont de vraie crapules.

Ce sont toujours les apparences qui comptent dans ces cas-là.

Elles sont aussi trompeuses et on découvre parfois aussi des âmes torturées qui se manifestent avec une carapace de dureté qu'il faut tenter de gratter pour trouver tout autre chose à l'intérieur. Quelques mecs sont fracassés par leur détention avec le remord et la honte comme ingrédients de survie.

La première année de ma détention a été la plus difficile à supporter avant de trouver mes marques.

Aucune humiliation ne m'a épargné. Mais on perd sa hargne et sa fougue après avoir été frappé et puni même si on n'est pas responsable.

La prison n'est pas faite pour réconcilier les prisonniers avec la société. Elle est seulement sensée lui empêcher de nuire. 

S'acquitter ces tâches diverses me faisait bien voir, et même dégradantes, elles me faisaient aussi passer le temps. Au moment de la réinsertion de son hôte forcé, celui-ci risque de sortir encore plus perdu qu'au moment d'y entre.

Avec une tête bien faites, bien construite, j'étais considéré comme un prisonnier en col blanc qui pouvait être nécessaire en cas de résolution de problèmes intellectuels.

J'avais compris que les gens rieurs restent en dehors de tous les soupçons dans notre époque d'amertume et de la génération Houellebeck ou de Schopenhouwer qui usent de sérotonine pour survivre vaille que vaille aux coups du sort.

J'avais lu tous les livres qui sortaient de ces deux écrivains pour comprendre ce qu'il en advenait progressivement du mal-être, du spleen qui existait au dehors de la prison depuis quelques années.

Après les corvées, il y avait l'évasion dans leurs livres qui me tombaient sous la main.

Une fois que les gardiens avaient compris qu'ils ne risquaient rien avec moi, considéré comme l'intello bon tain, bon œil, lecteur de passion, j'avais fini par être envoyé en confiance dans la bibliothèque de la prison pour sa maintenance et la préparation des livres à distribuer aux "pensionnaires".

Les gardiens m'avaient donné le surnom de "Bibliothécaire de la cellule 474".

Ce que je lisais, comme un conteur de bonnes nouvelles, je le racontais le soir, à celui qui partageait ma cellule.

Je lisais parfois tout haut un chapitre ou deux à mon coéquipier qui avec sa stature, ses muscles et sa force d'un éléphant fait homme, avait aimé.

Il ne me remerciait pas, mais son regard en disait bien plus qu'un remerciement.

Il ne devait pas avoir une grande instruction et une envie de lire dans son passé.

J'avais ressenti très vite que je pourrais compter sur lui comme protecteur et qui sait, me servir de sa force si le besoin survenait.

Nous étions en hiver et le crépuscule tombait très vite. Toute la journée, la pluie s'abattait sur la fenêtre avec ses barreaux qui rappelaient que trop bien l'endroit où on était.

Dans la journée, les détenus avaient même presque refusé de se promener dans la cour et demandé de rester dans le préau à l'abri des intempéries.

Cette fonction de conteur se prolongeait dès que le souper avait été pris et que la lumière n'était déjà plus présente depuis quelques heures.

Je me rappelais souvent de la sagesse de Vic et j'avais eu le temps de multiples fois d'analyser mes erreurs de jeunesse.

Sans l'assassinat crapuleux de Vic, je ne serais peut-être pas arrivé en prison, peut-être serais-je en plus devenu bien plus riche aujourd'hui. Ce qu'on peut être con quand on est jeunot !

Vic avait des années lumières d'expériences en plus des miennes sur les rencontres virtuelles du net.

Il avait aussi une psychologie bien plus stable et raisonnée que je n'avais jamais eu alors.

Il était resté un roi caché sur l'échiquier après avoir roqué tandis que ma stratégie voulait être plus efficace en m'avançant sur l'échiquier comme le ferait une reine qui mal préparée et mal protégée suite à une confiance mal placée se perdrait très vite dans une partie mal ficelée.

J'avais enfin compris qu'avoir tout et tout de suite n'apporte que des ennuis et des dérapages.

Avec le temps, mon intelligence de jeune parvenu avait muri pendant ces années de détention.

Pas sûr que j'avais dépassé mon maître à penser, mais dans le besoin de réflexions, certainement.

Pour mes exécuteurs de peines, j'étais devenu un pêcheur raffiné qui pouvait espérer une rédemption précoce.

La discrétion proverbiale de Vic, il l'avait transformée en humour en apportant l'illusion de sa manière d'exister alors qu'en pleine jeunesse fougueuse, je la voulais plus explosive dans l'année 2008 quand j'avais rencontré Vic.

Je me souviens de cette petite voix sourde qui me disait : "Greg aurait eu encore plus à souffrir s’il avait compris le but final de l’action de Vic. Le jeu de « gagne petit » de Vic n’était qu’une illusion. Son ambition était bien plus énorme qu’il n’y paraissait. De « Grand Maître virtuel », il serait monter au grade de « Grand Maître du Monde » sans ce coup du sort.

« Vic » n’était-ce pas le diminutif de « Victoire »?

Si j'avais été plus patient et prudent à tout avoir et tout de suite, à être pressé de gagner énormément d'argent dans les malversations que Vic avait moulinées dans son cerveau calculateur, je n'aurais pas été toutes ces années après à espérer sortir de cette taule dans laquelle on ne gagne rien si ce n'est un maigre pécule à la sortie.

Dans les filets des réseaux sociaux, il y a une réserve de bons coup à réaliser dans le monde de la virtualité sans foi ni loi.

Non, le goût de l'argent et de ce qu'il apporte, me guident toujours, mais avec plus de pertinence.

Impénitent, plus jeune, j'aurais vendu mon âme au diable pour les liasses de billets.

Depuis, ma philosophie, ma psychologie et ma personnalité avaient changée...

 

..

02: Un rêve peut-il être prémonitoire?

“Le rêve est le phénomène que nous n'observons que pendant son absence. Le verbe rêver n'a presque pas de présent. Je rêve, tu rêves.”, Paul Valery

- Greg, tu es l'élu. Ne sois pas l'esclave de ce monde du passé qui se veut démocratique et politiquement correct. Je t'ai appris beaucoup de choses, mais je n'ai pas été assez ambitieux avec toi. Tu avais raison de voir plus grand. Si tu le veux, tu vas pouvoir explorer un nouveau monde, mais avant cela tu devras choisir entre deux voies différentes, le monde du réel sans vagues, sans relief, dans un désert d'informations ou celui de demain plus virtuel entourés de machines et d'intelligence artificielle à tel point que tu ne l'as pas encore connu et où tout est permis avec ta liberté de penser et le respect des autres comme pour toi. 

- Bonjour Vic. Je t'attendais depuis si longtemps. Je te remercie de m'avoir initier et de me pardonner. Je regrette de t'avoir assassiné. Je choisis la deuxième voie sans hésitation.

- Ne regrette rien, Greg. J'étais aussi dans l'erreur. Tu avais raison. J'aurais dû m'en rendre compte. J'ai constaté que, dans cette prison, tu as suivi l'actualité de très près. Tellement de choses ont changé depuis que tu as été incarcéré à cause de ma mort. Tu as tellement d'images intérieures résiduelles et de ratages que tu devras effacer de ta mémoire. Ton repos forcé en prison va pouvoir te servir. Tu t'es gonflé de puissance et de connaissances nouvelles. Tu as emmagasiné de l'énergie et de l'information en suffisance pour entrer dans une vie imaginaire qui deviendrait plus réelle et mon sophistiquée. Je n'étais pas visible mais je suis resté près de toi. Tu as très bien réagi quand tes colocataires prisonniers te prenaient en grippe. Tu as improvisé avec une intelligence peu commune sans que j'intervienne. J'ai toujours été là et je riais quand tu sortais victorieux de querelles avec eux. Tu es rempli de nouveaux concepts. Tu as dépassé les erreurs de notre passé en commun. Tu es prêt aujourd'hui, à les renverser en bénéfices personnels. Tu t'es merveilleusement inséré dans le monde des chiffres. Je t'ai vu lire dans la bibliothèque de la prison et résoudre des calculs avec des nombres imaginaires.

- Merci, Vic. Merci de m'avoir suivi d'aussi prêt. De m'avoir fait attendre pour que je murisse. J'ai déjà quelques plans, mais ce sont des rêves imaginaires qui me semblent plus vrais que la réalité mais qui me font parfois peur.

- Oublie la peur et les vraisemblances. Dans le monde où je veux t'envoyer, tu n'en auras pas besoin. Là, tu survivras ou tu vivras par l'esprit avec ton savoir dans un système parallèle où le normal n'a plus cours. Tout tiendra selon la rapidité de tes réactions en réponse aux problèmes avec ce savoir. Dans ta vie d'avant, tout ce qui était matériel, avait été ton ami. Tu lui avais trop donné et pas assez en esprit. Leur matrice t'avait placé dans un monde qui t'empêchait de voir la réalité d'une espèce humaine maladive qui vit dans un monde qui ne tourne pas rond.

- Que devrais-je faire pour cela?

- Dans une autre matrice, il te faudra résoudre le code des seigneurs dans ton subconscient. Sa complexité passe par ton imagination et par ta créativité à chercher à la simplifier. C'est une course infinie dans laquelle si le réel te prend de vitesse, tu es mort. Alors barre-toi, change de secteur, réfugie-toi dans ton subconscient pour te faire oublier tant qu'il existe encore un temps suffisant pour le faire. Les ennemis sont partout. Ne te fie à personne comme je l'ai fait avec toi avec l'innocence de l'obligation et parfois avec hypocrisie et facilité. Sois 100% toi. La confiance envers les autres est de prime abord, bannie. Tu cherches à être riche et puissant. Soit. Alors sois-le avec tes potentiels.

- Quels potentiels as-tu trouvé en moi?

- Trouve-les et traduit le code encrypté du Système de la matrice actuelle. Copie-le, retiens-le par cœur et ensuite efface-le pour l'extrapoler en fonction de ce que tu auras appris. Les machines actuelles n'utilisent que de l'intelligence faible. Les autres en ont déjà peur actuellement de l'intelligence faible des machines. Tu en as connu les concepts de base et les risques. Sois plus fort qu'elles. Passe à la vitesse supérieure. Les machines font partie du matérialisme actuel. Sors de cette phobie.

- M'inviterais-tu dans un monde qui ne serait plus matérialiste?

- Le matérialisme est loin de l'idée qu'on s'en fait. L'aveuglement du matérialisme est mortel. Il est l'ennemi du bien être par sa servitude incorporée. Il y a mieux à faire pour chercher à devenir le maitre du monde comme j'ai pensé à le faire. Le matérialisme est une chimère qui consomme beaucoup trop d'énergie et de temps. Il faut transcender sa réalité qui prend forme en capitalisme qui est son subordonné. Le capitalisme n'a rien compris de l'impact qu'il a apporté en restant au niveau du matériel. Il voulait régner uniquement par l'argent. Or, cela ne marche pas pour tous. Il s'est fourvoyé en chemin et a créé la perte de l'humanité à petits feux au risque de s'abîmer.

- Comment penses-tu que je réussirais dans cette tâche?

- C'est à toi de le découvrir. Tu verras que si tu réussis, tu deviendras un Robin des Bois dont le monde a besoin en effaçant les réalités diaboliques de leurs manies et de leurs vices par un pouvoir resté partiel sur les gens. Aie du charisme et au besoin, invente un miracle comme le ferait un magicien. Souri à tous ceux qui viendront à ta rencontre comme un bien heureux mais reste sur tes gardes.

- Dois-je entrer en politique?

- Si un jour tu dois faire un discours politique, sois fin psychologue et termine-le par une histoire drôle. Les gens aiment cela. L'humour brise les pierres. Les gens ont besoin d'humour plus que de pain.  Ils ne retiennent d'ailleurs que les conclusions avec tes dernières paroles dans les cinq dernières minutes. Ce qui précède est souvent trop lourd pour conserver ton auditoire à l'écoute.

- Je n'ai jamais fait cela. J'étais plutôt taiseux et renfrogné sur moi-même.

- Je sais. Je viens de le lire dans tes pensées intérieures. Mais, celles-ci sont plus fortes que tu ne le pense. La pensée humaine est vérolée par les croyances et les on-dits. Alors, ils donnent leur confiance en les machines qui continueront leur vie par quelques bugs à corriger avant d'avoir atteint le paroxysme de la destruction du genre humain. Sois une sorte de Messie pour les gens. Rassure-les. Ils deviennent fou.

- Et moi, avec eux.

- C'est pour cela qu'il te faudra dépasser certains mouvements et éliminer les obsolescences qui proviennent de gauche à droite et de haut en bas. Tu as une longueur d'avance grâce à ton intelligence qui est déjà bien au dessus de la moyenne sans devoir chercher à te le prouver par ton QI. Tu as créé ton passé par l'école de la vie sans le poids d'un programme scolaire.

- Et cela m'a rendu ce que tu connais. Un pirate de la pire espèce.

- Bien d'accord. Tu es devenu un pirate et tu n'as pas l'obéissance dans tes gènes. Ce n'est pas si grave et tu n'as pas été assez loin dans ce piratage de la connerie humaine. Ne passe pas par le baratin des séducteurs. Ce serait une erreur et un manque de psychologie dans lequel n'importe qui d'un peu évolué découvrirait l'hypocrisie. Certains essayeront de te connecter pour jouer à la solidarité virtuelle avec toi. Dans ce cas, coupe les connexions avec eux. Reste au dessus de la mêlée dès que tu sens que ces connexions te sont néfastes.

- Quel genre de connexions ne me seraient pas néfastes?

- Trace une connexion dans ton propre créneau, dans un monde qui serait plus parfait que celui qu'on connait uniquement en fin de parcours, avant de mourir en se rendant compte d'avoir sauté au dessus du principal but de ta vie. N'oublie pas que comme les virus, les faux prophètes s'installent dans le corps de leur hôte et meurent avec lui après en avoir profité. Sois un néo-dieu, un vrai prophète ou un messie qui changerait l'humeur négative qui règne en maître actuellement. Le monde a besoin de dérivatifs à leur quotidien. Les gens envient et haïssent les riches. Si tu n'en fais pas état, tu n'auras plus besoin de la force de l'argent pour qu'on croit en toi.

- Merci, Vic pour tes conseils, tu es un véritable Oracle et tu as toujours été mon Maître virtuel.

- Le monde parallèle est sans limites et sans frontières. Il est quantique. Je répète tout y est possible mais cela ne dépend que de toi. Tu vas bientôt recevoir une visite qui va changer ta vie. Tu ne le sais pas encore. Je le sais. Ma vision est prédictive sur une plage de temps futur suffisante pour le savoir...  

- Changer ma vie ici, dans cette taule?

- Non, évidemment pas en taule. Je me rappelle nos contacts à l'époque. Tu étais un gamin à mes yeux. Depuis, en prison, tu as passé le Rubicon à la dure dans cette prison avec des conneries qu'il te faudra à nouveau maîtriser. Je me suis demandé si, à l'époque, nous aurions eu plus de chance de ne pas rater notre entreprise en tandem si notre écart d'âge avait été moins grand. Poser la question c'est presque y répondre. Fais ce que tu veux, quitte à éliminer ceux qui sont en travers de ton chemin comme tu l'as prouvé en m'assassinant.

- C'est vrai. De t'avoir assassiné, j'ai eu le temps de m'en morde les ongles jusqu'aux moignons de mes doigts.

- Oui, bien sûr. Le compromis dont j'avais fait ma manière de résoudre les problèmes, ne marche plus. Ce qu'ils appellent la démocratie est en panne. Le peuple par le populisme, attend des hommes forts pour régler leurs problèmes et leur mal-être. Ils font partie de la matrice en mélangeant élites et moins que rien dans le même bord, inconscients de ses risques et finissent par se battre contre eux-mêmes en sciant la branche sur laquelle ils se tiennent en équilibre instable.

- Que pourrais-je faire pour éviter cela? Que dois-je faire?

- Avec ton esprit, tu peux les sauver de la déroute. Leur programme enseigné depuis leur plus jeune âge est obsolète et après ils se retrouvent dans la masse persuadés qu'ils sont sur le bon chemin. Invente, fais quelque chose d'inédit et le peuple se joindra à toi pour se retrouver derrière toi comme dans sangsues. Sois un messager sans religions. Réhabilite l'utopie.

- Mais pour cela il faut des moyens financiers.

- Je m'attendais à cette réponse. Avant tu essayais de trouver la montre en or avec plus de risques au travers de tes expériences de jeune. Ce que je n'avais jamais oser faire, c'est de pousser la pédale d'accélérateur avec un pied prêt à presser le frein à la moindre alerte car tu rencontreras des adversaires sur ton chemin. Ne tente pas le diable. Contourne-les.

- Tu sais où cela m'a mené, dans cette taule avec des barreaux pour m'éviter l'envie d'aller voir ailleurs si je pouvais encore pousser sur l'accélérateur.

- Peux-tu imaginer que ce n'est pas à cause de tes coups de pédales que tu t'y retrouves? C'est mon assassinat qui t'y a fait entrer. Maintenant que tu as rassemblé tous tes souvenirs endormis pendant ces années en taule, je sais que tu es prêt pour réaliser autre chose en prenant les clés de leur temple. A titre posthume, je resterai à partir de maintenant, ton père spirituel et toi mon dauphin. J'ai confiance en toi. Ne te laisse pas exploiter par quiconque en espérant avoir trouver une proie alors qu'elle n'est qu'une ombre. Tu es l'élu. Tu dois le savoir et je suis charge de te le répéter. Tu es l'élu.  

- Personne n'a essayé de faire ce que tu proposes avant ma rencontre avec toi?

- Si, mais ils ont échoué. Toi tu dois réussir en brisant leurs normes à la recherche d'un faux bonheur. Être élu te donne des droits et des devoirs... 

La sonnette du réveil général de la prison m'a réveillé en sueur à ce moment-là en brisant mon rêve..

J'étais tellement bouleversé qu'il me semblait réel.

Ce qui me revenait en mémoire me rend totalement perplexe.

Ce rêve n'avait rien d'une logorrhée sur fond d'amphétamines.

J'en avais gardé un souvenir tellement précis dans ma mémoire immédiate qu'il suffisait de fermer les yeux pour revoir Vic dans le détail.

Le fantôme de Vic m'avait donc pardonné. Il m'entraînait dans de nouvelles aventures pour réaliser mes vœux les plus chers pour rattraper les temps perdus derrières ces murs et ces barreaux.

Il dépassait même le film "la Matrice" dans ses propos en s'adaptant à ma propre vie comme si Vic m'avait connu bien avant notre rencontre.

Le fantôme de Vic m'annonçait que j'étais l'élu alors qu'il n'était pas un saint.

Mais l'élu par qui et pourquoi?

S'il se présentait dans la peau d'un Morpheus en me disant que j'étais l'élu, cela me semblait anormal.

L'image de mon père aurait pu être plus réaliste.

Mais mon père s'était toujours foutu de moi et je ne suis pas sûr qu'il ait appris mon aventure délictueuse à Paris et que je m'étais fait pincer, il y a dix ans à cause de mon crime et mon manque de concertation avec Vic vivant.

La prison est un endroit où le Messie de Dieu a ses entrées comme les gardiens un passe pour pénétrer dans chacune des cellules. La religion offre un passe-temps dans la prière à ses ouailles perdues.

Chaque prisonnier a choisi son clan et sa religion.

Le plus souvent, soit en tant que chrétien comme beaucoup d'Européens, soit islamiste pour les Musulmans sans beaucoup se fréquenter l'un l'autre.

D'après l’aumônier qui passe toutes les semaines,  on ne s'excuse jamais assez pour ses péchés face à dieu et que la seule manière de se racheter pour ses fautes, c'est de marcher à nouveau dans le droit chemin en évitant le poison de la colère.

Or, c'est justement en prison que les passions religieuses s'exacerbent en créant une haine de la société.

Généralement, on ne reconstruit pas un prisonnier pour le réintroduire avec un métier rentable dans la société. On en sort détruit dans une envie de casser l'image que la société donne pour les uns et celle de s'introduire dans une filière de djihad pour les autres.  

Qu'est-ce qui a construit ce rêve dans ma tête?

Non, ce n'était pas le Messie qui fait partie de ma religion.

La veille au soir, j'avais regardé le film "The Matrix" sur la petite télé de la chambrée.

C'était autre chose par le concours de deux matrices parallèles comme dans un multiver bien plus étrange, plus lointain de ce que le catholicisme enseigne.

Depuis peu de temps, la télé avait pris place dans ces cellules modernistes et mon attitude cordiale envers les gardiens m'avait permis d'en être un des premiers détenteurs.

J'ai eu beaucoup de rêves et de cauchemars pendant ces dernières années.

Mes rêves, j'ai pris l'habitude de ne pas en parler pour ne pas être ridiculisé à être revenu en enfance à mettre une carotte dans la cheminée pour qu'un saint vienne la remplacer par des bombons.

Dans "La matrice" de mon rêve, j'étais incité dans mon subconscient à jouer le rôle de Néo et Vic celui de Morpheus qui allait me guider contre moi-même et mon instinct en me disant que je devais rester maître de mon destin.

J'espère seulement que ce ne serait pas avec un mouchard dans la peau comme dans le film.

Mais, instinctivement, tellement il m'avait semblé réel, je jette un coup d’œil à mes bras. Non, il n'y a rien. C'était vraiment un rêve même si le visage de Vic m'était apparu comme une apparition de manière tellement précise que j'ai pensé qu'il était un fantôme.

Ce genre de film ne laisse généralement pas indifférent, mais celui-ci m'avait réellement bouleversé. Je  vous livre ici ce que j'en ai retenu en une traite comme s'il préparait un programme pour le jour où je sortirais de tôle. A sa sortie, il parait que ce film avait aussi secoué les compteurs de visites au cinéma qu'il y eu au moins deux suites ou remakes. Mais de cela, je n'en savais rien.

Un rêve ou un cauchemar ne restent que comme la rose, l'espace d'un matin.

Certains points de mon rêve s'envolaient déjà progressivement de ma mémoire et j'ai eu une envie de le retranscrire pour ne pas l'oublier.

Je me sentais encore plus fatigué que la veille, mais cette volonté à écrire quelques lignes à son sujet, me semblait presque obligatoire.

J'en note quelques souvenirs que je place dans ma boîte en fer blanc.

Je n'en raconte rien à personne, à mon cohabitant, mon "copiauleur" Raymond, mais celui-ci sentait que je n'étais pas dans mon état normal.

Sentant que je suis peu parleur, quand il me questionne sur mon état de santé, je lui réponds que tout va bien que la nourriture ne passait pas bien dans l'estomac et que j'ai dû avoir une indigestion.

Il a eu la décence de ne pas continuer par des questions bancales. 

Après la douche, le petit déjeuner est servi comme à l'habitude.

Les matons me font regagner ma cellule en attendant de pouvoir me dégourdir les jambes dans la cour de la prison.

Prêt à penser à tout autre chose, je n'y pense plus.

Deux heures après, un gardien actionne la serrure d'ouverture de la porte d'un bruit que je ne connaissais que trop bien à l'entendre tous les jours.

- Tu es demandé au parloir. Suis-moi", dit-il.

- Qui me demande, réponds-je, surpris.

- Depuis tellement d'années au point que je ne m'en souviens même plus d'en avoir reçu une seule fois. Ce n'est pas le créneau horaire des visites hebdomadaires et pas non plus le moment de me libérer. Alors qui et pourquoi, suis-je demandé au parloir.

- Je n'en sais rien. On m'a demandé d'aller te chercher comme le pensionnaire de ta cellule avec ton nom. Tu verras bien. Peut-être vas-tu recevoir un cadeau prématuré pour la future fête de Noël, dit-il avec un sourire en coin.

Je ne répond rien toujours pensif et interrogatif mentalement.

Je me lève et, docile comme à mon habitude, je suis le maton de service.

En allant vers le parloir, mon esprit se mit à tourner à la vitesse grand "V".

Ma mère ne savait peut-être même pas que j'avais été en prison pendant toutes ces années. Mon frère et ma sœur n'habitaient ne m'avaient jamais donné signe de vie. Étaient-ils toujours en Pologne?  Quant à ceux que j'avais connu au bureau de Vic, ils étaient à mon procès en étant plus des témoins à charge qu'à décharge. Ils ont dû m'oublier.

Alors qui?

Je ne me faisait pas d'illusions. Faire l'étonné, ce serait mal vu et puis que dirait le gardien, il répéterait probablement toujours la même réponse "tu verras bien, je n'en sais rien. On m'a seulement chargé de venir te chercher".

Les matons ne sont pas mis dans la confidence de ce qui se passe à l'extérieur que par les mêmes canaux des médias habituels et par le patron de la prison.

Leur travail de surveillance n'allait pas jusqu'à chercher les connivences qui peuvent exister entre leurs "protégés" et ce monde extérieure.

Si les visiteurs avait été là pour me libérer, on m'aurait prévenu quelques jours à l'avance par écrit et non pas par une visite.

Mon avocat de l'époque avait rédigé pour moi et renvoyé une nouvelle demande de mise liberté conditionnelle sur les formulaires ad-hoc mais elle avait été refusée.

Étais-je toujours considéré comme récidiviste potentiel?

Si ceux qui devaient donner leur approbation savait mon état d'esprit au sujet d'un assassinat, il pouvait avoir toute confiance du contraire.

La justice s'en fout. Elle prend son temps dans une cruauté gratuite rien que pour le principe puisqu'un emprisonnement ne profite à personne du monde des vivants.

Mon goût pour l'argent ne m'a jamais quitté mais je suis sûr d'être mûr pour remettre les compteurs à zéro dans une nouvelle vie.

En prison, on y survit par le troc de clopes et de joints de drogues diverses circulant en cachette, de main en main.  

Non consommateur d'aucune d'elles, je suis toujours resté en dehors de ces petites magouilles dans une solitude volontaire.

- T'es là depuis longtemps, m'avait demandé une nouvelle recrue de l'incarcération.

- Trop. Des lunes et des lunes, avais-je répondu du tac au tac sans réfléchir et en manque d'à propos.

Une réponse idiote en soi qui ne cherchait ni à réconforter ni à déforcer.

La lumière du clair de lune au travers de barreaux de prison n'a rien de poétique.

Le contexte et les circonstances ne s'y prêtent pas dans la confédération d'un monde clos.

Non, ici, il ne faut pas rêver, cela ne pouvait pas être un tel scénario dans le monde de ma conscience de taulard.

Cette visite devait être le fruit du hasard ou d'une erreur de prestation qui n'avait rien à voir avec mon rêve, pilule rouge ou bleue comprise...


..

03: Une visite totalement impromptue et inespérée

La discrétion est ma devise. Je ne dis jamais rien. Même sur ma carte de visite, il n'y a rien d'écrit.”, Groucho Marx

Au bout du couloir qui traversait la cour intérieure de la prison, se trouve le parloir.

Des codétenus m'en avaient informé parce que je en l'avais jamais emprunté pour l'atteindre lors de visiteurs puisque aussi loin que vont mes souvenirs, je n'en avais reçu aucun en dehors de mon avocat.

Ce n'est pas là que le gardien me conduit mais dans l'environnement du bureau du chef de la prison.

Une ou deux portes de plus à traverser après le cliqueté des ouvertures de serrure et je me suis retrouvé dans un grand bureau avec une longue table en son centre et des chaises bien plus moelleuse que celles dont on a l'habitude de rencontrer les visiteurs et les détenus dans une prison.

- Où va-t-on? D'après ce que j'ai entendu par les copains, ce n'est pas le parloir habituel du lieu de rencontres.

- Je ne t'ai pas dit, tu as droit au parloir qui n'est pas pour tout le monde. Tu as de la chance. C'est dans le bureau de réception des officiels où je dois t'emmener. Je n'allais pas le dire trop haut en présence de tes copains. Ils auraient pu dire que j'avais du favoritisme envers toi, dit le gardien en me laissant entrer dans un grand bureau avec une grande table ronde en son centre.

Étaient déjà attablés, deux hommes et une femme entre eux deux qui avaient des dossiers étalés devant elle sur la table à rallonge.

A notre arrivée, ils lèvent la tête ensemble quand j'entre dans la pièce avec un air interrogateur qui ne doit pas leur échapper.

Cette dame encore très jeune entourée de ces deux hommes qui me font penser à ses gardes du corps.

D'un teint basané, la dame est jolie avec son chemisier de couleurs vives qui ajoute encore plus de couleur à sa couleur de peau et qui, légèrement échancré, permet de comprendre son goût pour la séduction par son côté sexy.

Moi, qui n'ai plus eu de visites féminines depuis tellement longtemps, j'ai presque une érection. Je dois avoir emmagasiné une tonne de sperme en sommeil.

En prison, chaque prisonnier masculin affiche une image de femme épinglée sur le mur face au lit pour assouvir ses fantasmes. L'image peut être celle de l'épouse ou alors la photo d'une actrice plus ou moins dénudée.

Ce n'est pas pour rien que dans ce milieu naisse parfois une homosexualité non évidente pour l'endroit.

Je l'ai dit, avant de rencontrer Vic, j'ai connu plusieurs jeunes femmes sans connaître le grand amour. Peut-être trop jeunes, pas assez mûres pour que je m'y attache.

Un peu gêné, je m'avance vers mes trois visiteurs. Le directeur de la prison n'a pas jugé bon de s'ajouter pour les présenter.

Une lumière chaude et claire correspondant à une ambiance de réception officielle illumine la pièce. Il parait que les technologies de la lumière dont appelées LED.  Ne l'ayant jamais rencontrée, l'étrangeté de la situation m'est totale comme si j'entrais dans un autre monde.

Cela va sans dire, que cette pièce doit servir pour recevoir des invités de marque  comme peuvent l'être des inspecteurs de la prison auxquels il faut donner une bonne impression pour celle-ci et pas pour les prisonniers.

Tout a été nettoyé et ciré dans les couloirs avant d'y entrer.

Tout de suite, le fantôme de Vic me revient en mémoire. Il avait raison de m'annoncer, "tu es l'élu" car je me sens tout à coup comme tel.

Tous trois se lèvent immédiatement en me désignant du bras ou de la main tendue, avec un sourire volontairement engageant, la chaise moelleuse qui leur fait face.

Je m'installe à l'autre bout de la longue table face à mes interlocuteurs.

A peine rassise, la dame prend la parole ne se préoccupant pas de ses voisins immédiats.

Je suppose qu'elle n'est pas ici pour me conter fleurette avec son visage quelque peu pincée et je reprends mon calme quelque peu ébranlé tout en continuant à regarder ses yeux qui sont d'un vert qui décalotteraient un Saint de son auréole. 

- Bonjour. Je m'appelle Noémie et je suis ingénieure. Nous faisons tous trois partie de la section "Cyber criminality Unit" de.... disons Interpol sans l'être vraiment mais une sorte de police européenne, pour fixer les idées. Nous avons lu votre dossier concernant vos agissements de hacking sur Internet en 2008 et des résultantes lors de votre procès qui vous ont amené ici. En d'autres mots, vous et votre profil n'ont plus de secret pour nous, si vous me comprenez.

Toujours subjugué, je fronce les sourcils pour contrer son regard dont la froideur contraste avec la douceur de la lumière chaude des lumières de la pièce. Bizarre qu'elle n'ai pas nommé ses voisins, me dis-je mais je n'en fais pas la remarque. Je suppose qu'ils auront leur tour de se présenter.

- Oui, je comprend. Et alors", est la seule réponse qui me vient à l'esprit.

- Votre profil nous intéresse. Mais je constate que vous paraissez épuisé. Vous avez dormi combien d'heure la nuit dernière?

- Pas beaucoup, en effet. Figurez-vous que j'ai beaucoup rêvé. Mai vous parlez de mon profil? Est-ce le gauche ou le droit ou alors de face? Je suppose que vous avez tout de même remarqué que vous vous adressez à un prisonnier pour piratage et que mon profil devrait vous faire une belle jambe dans la police des mœurs de notre temps... Je me trompe?, dis-je d'un air narquois dans la seconde qui suit. Je ne sais où elle veut en venir. Je ne vais pas devoir recommencer mon procès d'il y a dix ans. Je me souviens derrière le bureau des juges, il y avait aussi une femme au côté du juge qui me regardait sèchement. 

Le sourire de la dame y répond sans équivoque, avec un sourire en coin.

- Bien sûr. Ne craignez rien. Nous ne sommes pas ici pour vous faire passer un nouveau jugement après une commission d'enquête. Nous ne nous sommes pas égarés en chemin en allant vers un Lunapark présentant un show police contre voyous pour nous faire éclater de rire. Si nous sommes là, c'est pour vous faire une proposition.

- Ah, j'adore les propositions. Les plus honnêtes sont les meilleures, à mon avis, car par ici, les propositions sont plutôt, soit fausses, soit ironiques et hypocrites. Mais, puisque je suis là comme votre invité, je suis toutes ouïes pour écouter vos propositions. Racontez-moi l'intérêt que vous avez trouvé dans les rapports pour que ma petite personne de taulard puisse entrer dans vos desseins futurs en fonction de mes petites affaires de l'époque.

- Chaque chose en son temps. Greg. Vous permettez que je vous appelle par votre prénom? Vous pouvez m'appeler Noémie. J'aime mon prénom et j'aime qu'on me nomme par lui.

- Bien sûr, Noémie. Et j'aime aussi votre prénom. Vous me permettez d'ajouter que ce n'est pas uniquement lui, dis-je avec le sourire. Mais, ici dans l'enceinte de cet établissement "prestigieux", trêve de badinage. Les gardiens m'appellent pas Greg entre eux mais par le pseudo "Le bibliothécaire de la cellule 474". Cela m'étonnerait que vous seriez intéressé par un bibliothécaire. Il doit y avoir une raison plus cachée. Cela même si j'ai l'habitude d'être devenu un rat de bibliothèque par ici.

- Je ne vais pas tergiverser et m'étendre sur des salamalecs plus longtemps. Vous aviez, il y a quelques années été très bien au courant de ce qui se passe sur Internet. Les fakenews, la cybercriminalité doivent vous dire quelque chose même s'ils n'avaient pas la même ampleur à l'époque par rapport à aujourd'hui.

- Ça, j'ai pu le remarquer depuis quelques temps. A l'époque, avec mon coéquipier, Vic, que, ingrat, j'ai éliminé malgré moi, vous avez dû comprendre que nous n'étions nullement intéressés par faire joujou pour nous raconter la dernière blague à la mode dans le domaine de ce que vous appelez "criminalité sur internet". Notre hacking était concentré sur l'indicible légèreté financière de l'âme de certains internautes dans la virtualité. Avec Vic, mon coéquipié que j'ai bêtement assassiné, c'était pour faire de l'argent en utilisant leur bêtise mais pas vraiment comme des Robins des Bois du net pour voler les riches et ensuite donner aux pauvres. La ruse faisait partie de nos manipulations qui rapportait un revenu supplémentaire non négligeable à celui de Vic pour faire oublier son salaire de misère d'ingénieur. Dans le domaine de la recherche, on n'est pas bien payé. Si vous ne le savez pas, Noémie.

- Je répète, vous ne nous apprenez rien sur vous. Vos objectifs de l'époque sont clairs. Après votre procès, les assurances de ceux qui ont été chargé de récupérer les sommes indues, ne sont pas parvenues à retrouver ce que vous avez dû planquer quelque part. Je suppose que vous avez peut-être encore le moyen de retourner et de retrouver un petit magot dans une cachette qui a vous servi après votre séjour ici. 

Là, je ne réponds rien en sentant le piège. Je suis peut-être ensorcelé par sa beauté mais pas par ses paroles.

S'ils espèrent que je vais leur mettre le pognon récolté sur la table de négociation, elle se trompe.

Font-ils partie d'une assurance toujours en charge de récupérer les gains illicites engrangés?

Mon visage reste impassible tout en remuant mes neurones dans tous les sens.

Elle n'a rien remarqué de mon questionnement et continue sa présentation après une très courte pause.

- Ne vous inquiétez pas, l'argent de votre magot que vous avez engrangé, ne nous intéresse pas et on ne cherche pas à le récupérer. Ce qui nous intéresse est plus important que l'argent. Il s'agit d'une entreprise d'une taille que vous n'avez pas encore atteinte. En fait, nous avons créé une opération appelée "Opération araignée".

- Araignée? Quel joli nom. Et qu'est-ce qu'elle contient cette opération?

- Elle fait participer et confronter une époque en ces temps troublés dans laquelle le démocratie a du fil à retordre pour se maintenir en action sans être attaquée dans ses racines. Vous avez probablement entendu les différents "gates" comme "Cambridge Analytica" et les élections américaines qui étaient impliquées. 

- Oui, j'ai appris. Cela a ressemblé au scandale du Watergate de l'époque de Nixon. Des magouilles pour faire pencher la balance aux élections américaines en fonction du candidat Trump avec les Russes qui étaient impliqués. Désolé, les élections, c'est pas trop mon truc de prédilection, non plus. Je ne vois pas où vous voulez en venir.

- Je suppose que vous n'aimez pas trop croupir en prison, dit-il en changeant de braquet.

- Bien sûr que non.

- Je vous comprends. C'est naturel. Cette proposition dans cet endroit où nous sommes actuellement, doit vous paraître étrange. Mais, vous êtes presque arrivé à la fin de votre peine. Ce que nous avons à vous proposer c'est de sortir d'ici plus tôt.

- Plus tôt, quelle bonne idée...

- Si nos calculs sont bons vous êtes ici encore quelques mois. Nous avons demandé au directeur de la prison et à d'autres autorités politiques, le rapport concernant votre présence en prison. Nous avons donc lu vos états de services. Vos relations avec les gardiens et les autres prisonniers. Savez-vous que vous êtes très bien coté par vos gardiens. Vous faites le bon repenti comme on l'aime en prison. "Des détenus comme lui, on en voudrait tous les jours", disent-ils de vous en toutes lettres dans le rapport.

- J'en reste pantois. Cela ne l'a pas toujours été.

- Je suppose qu'en sortant vous aurez à trouver une autre fonction et que des enquêteurs vont vous garder à l’œil pour voir si votre rédemption est complète dans le monde de l'extérieur, bien que "vous n'avez pas fait encore le "tour de France des centrales" comme on dit dans la loi du milieu.

Elle semble bien au courant et je n'ai plus rien à lui apprendre en faisant le fanfaron, me dis-je. Passons aux choses sérieuses... ses propositions et ce qu'elle offre pour services rendus.

- Qu'est ce que vous m'offrez en échange de ce qui vous intéresse en moi?

- Nous avons beaucoup réfléchi et votre profil est exactement ce que nous recherchons pour débusquer les pirates et les faiseurs de troubles sur internet dans cette ambiance virtuelle que vous avez bien connue. Nous avons déjà une équipe en place constituée comme un armée de l'ombre. Mais le crime de lèse majesté demande de plus en plus d'effectifs. Ce qui nous intéresse en plus c'est que vous avez été de l'autre côté de la barre avant d'entrer en prison. Vous n'êtes pas le premier que l'on recrute avec ce genre de profil. Vous connaissez mieux que quiconque les failles des systèmes de la virtualité, des réseaux et des rapports qui transitent sur la toile et que l'on appelle aujourd'hui de réseaux sociaux.

- Vous vous rendez tout de même compte que j'ai pris le large dans ces parages de manière un peu forcée et rapide (je sourie) et que je ne suis puis à la pointe des progrès. Il doit y avoir de nouvelles techniques d'approches, de nouveaux gadgets et pirateries depuis ce nombre d'années depuis que je l'ai quitté le milieu.

- Bien sûr que nous nous en rendons compte. Vous devrez vous remettre dans le bain et retourner sur les bancs de l'école de notre organisation. J'utilise toujours le mot Interpol pour fixer les idées. Mais cela fait partie de l'écolage normal de tous nos nouveaux candidats ainsi que des anciens pour les remettre en selle périodiquement tellement ce marché évolue rapidement. Vous avez seulement un peu plus de visions des concepts et des magouilles qui se pratiquent sur le net, dans le milieu de la Bourse dans lequel vous avez fait vos gammes ou ailleurs. C'est cette expérience-là qui nous intéresse.

Mon cerveau se met à bouillir. Voilà que mone expertise de piratage intéresse mes victimes potentielles. C'est le monde à l'envers. Suis-je passer dans l'hémisphère sud avec la tête en bas sans qu'on m'ait averti ou quoi?

Il faut que je réfléchisse mais vite car une telle proposition, Interpol ou quoi que ce soit d'autre ne devrait pas se représenter de si tôt.

C'est clair, je n'ai pas de plan précis sur l'avenir. J'ai quelques réserves planquées comme elle disait mais pas pour tenir pendant une très longue période sans la maintenir à flot.

Ce temps long de réflexions perplexe est évidemment remarqué par mon interlocutrice.

Les deux autres n'ont toujours rien dit et restent comme des tombes au côté de Noémie.

Ils ont suivi le dialogue avec un certain intérêt mais très dissimulé derrière des visages inexpressifs.

Mais putain, que me demande-t-elle en échange de ma collaboration, cette ingénieure qui n'est même pas policière de formation?

Noémie, reprend la parole sans attendre ma réponse avec la question fatidique.

- Avez-vous besoin d'un temps de réflexion?

Que veut-elle? Que j'insiste avec des questions plus précises. Ce fantôme de Vic de cette nuit me revient et me mettait en garde de ne pas me laisser influencer sans savoir où l'on veut me mener. Ce n'est pas elle mais qui doit encore décider en sachant ce que je risque et ce que je gagnerais dans l'opération. Pas si vite, chère Madame. A un moment donné, il faudra que je prenne ma décision. Je dois me jeter à l'eau mais ce ne sera pas sans biscuit ni gilet de sauvetage. La barbarie de la course au pouvoir est vieille comme le monde. Tout le monde sait qu'il ne faut jamais raté son entrée surtout quand ce n'en est pas vraiment une et plutot une deuxième session de repêchage. Il s'agit ici d'une sorte de police des polices ou une agence de renseignement.   

- Que me demandez-vous en plus de ma collaboration? Est-ce une servitude de plus? Quels sont les risques de la fonction que vous me proposez? Serais-je en liberté surveillée? Je n'ai jamais aimé travailler sous les ordres d'un employeur. Ce que vous me proposez semble être très différent de ce que j'exerçais à petite échelle auparavant. Pourtant c'est mon expérience de l'autre côté de  la barrière qui vous intéresse. Est-ce des ripous contre ripous comme il en existe dans l'espionnage et le contre-espionnage que vous cherchez. Je ne désire pas devenir tueur à gage. Ni dans une phase d'un employé payé à la petite semaine.

- Je comprends vos soucis et votre remarque. C'est un revirement complet. C'est exact, en fait, vous changez de camp. Ce n'est pas un job de surveillant. Vous aurez quartier libre. Les risques du métier sont peut-être ce que doivent éprouver tous les espions et contre-espions, le souci de ne pas être découvert et retenus comme tel par leur gouvernement considéré comme l'ennemi. Les mafias du web sont parfois bien plus évoluées qu'il y a une dizaine d'années.

- Je m'en doutais qu'il y avait des épines à la rose. Posez-moi d'autres questions. Finissons-en avec cette comédie", dis-je demanière assez sèche qui ne correspond pas au préambule de l'interview. Non, Greg arrête ton scénario de poule effarouchée, me dis-je sans le laisser voir.

- Je vais y venir. Les moyens de communications et de piratage ont tellement évolués depuis que vous avez été enfermé. Il faudra que vous vous vous mettiez vraiment à jour contre eux. Quand vous êtes entré dans votre rôle de pirates, nous étions au temps des photographies trafiquées pour falsifier les vérités par des logiciels de photographie avec l'information et le message qu'elles étaient sensées transmettre. Puis se furent les sons qui en furent imprégnés et manipulés. Maintenant dans les réseaux sociaux, les fakenews sont construites au niveau des vidéos que l'on falsifie avec des outils dont vous n'avez peut-être pas imaginé jusqu'ici. De plus, en numérique découvrir la manipulation est devenue très compliquée. Ce sont des opérations très complexes auxquelles je vous invite. Elles ne sont pas à dévoiler au grand public pas par goût du secret, mais par devoir vis-à-vis de la sécurité d'Etat.

- Ok. Mais cela veut dire quoi ces secrets? Ce sont des informations classées secret défense?

- Cela veut dire que qu'un message dans le domaine de la tricherie et du mensonge peut faire dire n'importe quoi sur n'importe qui sur la toile d'araignée tellement les procédés sont bien bâtis pour le réaliser. Le plus fort c'est qu'une fois lancés sur le Web, plus ces fausses informations sont grossières plus vite et facilement, elles seront propagées. Cela veut dire que vous serez parfois chargé d'émettre des contre-vérités pour brouiller les pistes de vos adversaires. Mais étant donné les enjeux, on doit faire ce qui est juste et espérer qu'un jour le vent de la politique et de la sagesse sera de nouveau favorable pour obtenir plus de transparence dans les actes.

OK, chère Noémie, j'ai compris ton manège et ta présentation est passée, me dis-je. Mais à un moment donné, il faut passer à la caisse....

- Mais comme dans toutes les guerres virtuelles ou de terrain, les espions et les faussaires sont très mal vus et quand ils tombent dans les mains des adversaires, ils doivent passer un très mauvais quart d'heure. Je connais déjà les moyens de communications dans la virtualité, mais je suppose qu'il faut rester dans l'ombre de votre armée et je ne serai pas payé en monnaie virtuelle, j'espère...

- En effet. Je vous en ai déjà parlé. Comment votre liberté dont vous disposerez, sera prise en charge avec des tests de validation. Ensuite, ses mafias du web seront vos ennemis et bien sûr vous serez payé en fonction des risques que vous encourrez. Il faudra voyager incognito et à visage caché comme tous ceux qui font partie de notre projet de débusquer tous les genres de pirates. Vous deviendrai une sorte de corsaire en service de notre organisation. Si vous êtes découvert, on ne vous reconnaitra pas dans cette guerre de l'info. Dites-le moi si je me trompe. Je suppose que vous possédez de fortes capacités d'analyse et d'observation. Que vous savez gérer les stress  avec une attitude flexible. Nous arrivons à de nouvelles élections américaines en 2020, par exemple.

- C'est pour elles que vous désirez m'engager?

- En partie, seulement. Le job est plus complet. Vous aurez à recueillir les informations dans des missions d'enquête, de filature, de mise en place de réseau avec une participation active à la lutte contre l'espionnage industriel ou étatique. En fait débusquer ceux qui sont nos ennemis.

- Comme éventail des possibilités, c'est pas mal. Cela doit faire un travail 24 heures sur 24.

- Exact. Nous avons des équipes de nuit et de jour. Je répète que ce n'est pas le même genre d'entreprise que vous pratiquiez il y a dix ans. Tout a changé. Tout s'est amplifié. Les polices s'adaptent difficilement aux changements rapides apportés par les nouvelles technologies. L'analyse du big data, des Twitter et de Facebook se font après coup par des surveillances live, mais tout dépend des personnes et de leur niveau derrière les écrans. L'aspect préventif pour répondre à la vulnérabilité des internautes pour protéger leur vie privée n'a atteint que les prémices de ce qui est possible de faire sur les réseaux sociaux. Tout cela, ici en prison, vous n'en avez pas été touché.

- Et je serais un candidat providentiel avec ses connaissances d'un autre temps pour vous aider? Vous me surestimez ou vous rigolez de moi?

- Ce que vous présentez comme un inconvénient par votre méconnaissance, nous semble plutôt une opportunité pour revoir les processus. Vous allez être recyclé. Sachez que nous encourageons tout particulièrement les candidats disposant d'une expérience dans le domaine technique, scientifique, économique ou informatique avec des affinités avec la connaissance de langues de l'est de l'Europe ou d'autres plus exotiques encore d'où nous viennent les plus fervents opposants. Vous êtes originaire de Pologne. Le russe ne devrait pas vous être inconnu. Je suppose que vous auriez quelques points qui correspondent à notre desiderata dans cette partie du monde. Le seul point négatif en ce qui vous concerne est votre casier judiciaire qui n'est pas vierge. A vous de nous prouver que ce point n'est pas essentiel en ce qui nous concerne.

- Excusez-moi si j'insiste. Quels sont les tarifs dans le monde de l'espionnage et du contrespionnage?

- Disons que pour commencer et pendant votre instruction vous pourriez espérer un montant de 3.000 euros par mois.

- Si vous me donnez le double, j'accepte. Dans le cas contraire, j'hésite. Vous êtes demandeuse. C'est à vous de faire un effort. Votre dossier doit contenir les raisons précises de ma présence dans cette prison. Le meurtre n'est pas ma préoccupation. Gagner de l'argent, oui.

Mon interlocutrice a probablement fini sa présentation et elle se retourne à gauche et à droite vers ses voisins qui n'ont pas encore dit un mot.

Celui à sa gauche sourit enfin et prenant la parole.

- Merci, Noémie pour votre présentation. Ce que demande notre interlocuteur est légitime. J'aime sa réplique. Nous allons faire un effort comme il le demande. Nous l'engageons à l'essai et nous verrons ensuite si notre investissement valait le déplacement. S'il est d'accord, nous allons remonter sa solution en commun.

Il se tourne vers son autre accompagnateur qui doit le HR de la bande, pour avoir son accord qui d'un mouvement de la tête de haut en bas acquiesce de la tête.

- Nous sommes d'accord apparemment. Nous allons donc en informer nos propres autorités et vous allez avoir de nos nouvelles au sujet de votre relaxation bientôt. Nous viendrons vous chercher ce jour-là. Enfin, je suppose que cela pourra être Noémie qui viendra puisqu'elle deviendra votre chefe de section, votre manager direct en cas de problème. Elle pourra plus facilement vous intégrer dans une de ses équipes.

Je remets mon regard en direction des yeux verts de mon interlocutrice pour y déceler ce qu'elle en pense.

Ceux-ci restent impassibles, insensibles.

De concert, dans un bruit de chaises que l'on recule, tous trois se lèvent en un bon en commun militaire.

Ils n'ont manifestement plus rien à ajouter.

Pour eux, l'interview est terminé. Je suis considéré comme n'ayant plus de questions à poser.

Noémie me tend la main que je prends de manière instinctive.

Cette main m'électrise à nouveau. C'est comme une poignée ferme d'un homme. Un gant de fer dans un gant de velours agréable de douceur et de fermeté contenue.

Les deux autres font de même en séquence rapide de gauche à droite.

En sortant, Noémie appelle le gardien de service qui m'a emmené jusqu'ici, tandis que les deux autres me suivent de près.

- Notre interview est terminé. Veuillez reconduire Monsieur dans ses appartements, lance-t-elle avec l'air de ne pas y toucher mais qui me fait sourire. Il y a longtemps qu'on ne m'appelle plus Monsieur. 

Le gardien me reprend là où il m'avait laissé et m'entraîne vers ma cellule sans mot dire comme si de rien n'était.

Mon rêve de la nuit me revient pendant le retour devant les grilles à tous les points d'arrêt.

Vic était devenu plus qu'un fantôme dans mon rêve, ce qu'il m'avait raconté, était devenu une prémonition.

Ce que je faisais illégalement dans le passé deviendrait-il légal?

Comment espérer mieux?

Enfin, je le pense que cette solution ne sera pas biaisé car le mot 'Interpol' qui était resté comme une supposition ou même un surnom d'une réalité qu'il me restera à découvrir une fois dans leur organisation.

La confiance en l'avenir et croire que tout allait aller mieux, me demande pourtant un effort presque surhumain.

Ma misanthropie née dans ces murs, a été pour moi la meilleure façon de cohabiter avec autrui et le moyen de rester en vie.

Ici, personne n'est totalement équilibré, personne n'a gardé de certitudes absolues envers ce putain de présent qui devient futur sans s'en rendre compte.

Pourquoi en serait-il tellement différent à l'extérieur?

Contrairement à ce que disait le fantôme de Vic de cette nuit, je ne vois toujours pas en quoi et où il voyait un élu en moi même si cela m'a ragaillardi l'esprit dans mon égo.

..

04: Une sortie de prison prématurées, tous les prisonniers en rêveraient

"Qui se connaît une prison, connaît aussi la liberté.", Claire France

15 août 2019: Il y a exactement une semaine, un mois après la visite impromptue à la prison, un courrier m'informait de ma relaxation sans beaucoup de précisions sur les raisons qui on été déterminantes pour me l'avoir accordé.

Le rapport parvenu chez le directeur donne, parait-il, une manière laconique pour le justifier "remise de peine pour bonne conduite".

Mon avocat de l'époque n'y était donc pour rien de ma relaxe potentielle.

J'avais encore plusieurs mois à tirer pour le meurtre de Vic et pour toutes les exactions que lui et moi avions perpétrées ensemble en 2008.

La peine avait été fixée à douze ans mis avec une possibilité d'être réduite mais comme toujours cette rémission reste toujours abstraite sur les modalités d'une relaxe commuée avec quelques mois en moins.

Le souvenir de la visite en rêve de cette nuit à  la rencontre du fantôme de Vic qui me disait que j'étais l'élu, me poursuit. Il y a déjà un mois...

En ce jour de fête, je fais l'inventaire de ce passé en taule.

Ce jeudi, il ne fait plus chaud à Paris, même pluvieux. Cela permet de mieux respirer après les canicules pendant lesquels, ma cellule était devenue une étuve.

Pas  de conditionnement d'air en prison. Une certaine agitation anormale et une tension palpable régnaient pendant cette période.

J'étais l'élu pour sortir d'ici et cela me suffisait mais maintenant je ne sais quel est la suite qui me sera donnée pour le mériter.

Avoir une bonne conduite et casser ainsi la plafonds de verre entre les gardiens et moi-même prisonnier, n'est pas des arguments suffisants pour recevoir ma libération prématurément sinon tous les taulards pourraient espérer la même chose.

Il est vrai que personne n'a plus peur des gens qui sourient de leur malheur avec l'humour comme carte de visite.

Jusqu'ici à part moi, personne n'était arrivé à un tel traitement de faveur pour devenir un candidat préférentiel pour retrouver la liberté prématurée pour me réinsérer dans la société sans plus y occasionner de dommages dans la société des vivants du dehors. J'avais eu de la chance.

Ma sortie est donc planifiée et due seulement à mon expertise de hacker sur la Toile il y a une dizaine d'années d'ici.  

Bibliothécaire en prison, pendant les deux dernières années, j'en avais profité pour repérer des bouquins sur la psychologie et la philosophie et cela m'avait servi pour donner confiance et pour me faire bien voir.

En parallèle, je restais au courant de ce qui se tramait à l'extérieur de la prison.

Je m'étais astreint à tout lire de ce qui se disait sur les grands de ce monde.

J'en avais déduit quelques principes essentiels qui pouvaient me servir en restant foncièrement une eau dormante ou stagnante.

J'étais à l'opposé d'un psychopathe Donald Trump qui se rendait l'ennemi de tous. J'avais suivi son ascension jusqu'à la présidence des États-Unis avec beaucoup d'intérêt en étudiant les principes au travers de ses étapes à la lectures d'articles, de livres au sujet de ses dispositions de vendeurs pour amadouer un acheteur potentiel pour évacuer ceux qui, non rentables, ne correspondaient pas à ses propres volontés ou qui étaient ses ennemis et qu'il rejetait au travers de ses tweets incendiaires. Les deux livres de Michael Wolff qui racontent les deux années de sa présidence "Le feu et la fureur" et en "État de siège", "Néron à la Maison blanche" m'ont passionné. 

Dans le fond, était-il psychotique ou psychorigide?

C'était un cas d'école, mais, pour moi, il n'était pas fou.

Simplement instable, imprévisible, contre tout le monde et imbu de sa personne comme si le pays ne dépendait que de lui alors que les autres ne faisaient que des erreurs selon lui.

Peut-être, avais-je été un solitaire endurci avec mes sentiments secrets et inhibés en moi mais je n'étais pas comme Trump dans une situation que j'avais choisie sans me laisser avoir en racontant des histoires devant les copains de cellules comme un prêtre de prison en psy rédempteur.

Je me rendais compte que pour percer les mystères des autres, il fallait être bien plus finaux et pourquoi pas malin à jouer la comédie ou les gros bras de la Trump mania.

Poutine est tout différent, il ne révèle pas sa stratégie, n'adopte aucun principe jovial dans sa boîte à malices.

Ancien espion du KGB avant de devenir président avec vingt ans en tant que tel.

Il n'a jamais fait de communications tonitruantes que contraint et forcé quand cela se justifiait. Il me fascine bien plus que Trump qui disert, même en courant alternatif, prévient des étapes de sa stratégie sur ce qu'ils pensent et pense faire avec ses menaces.

J'avais été emprisonné au moment où Obama montait à la présidence des États Unis en messie rédempteur noir.

Son habile manière de se faire aimer par les démocrates noirs et haïr par les républicains de race blanche, faisait tache dans une histoire récente et déjà lointaine.

Mon maître à penser reste toujours Vic, quelqu'un de beaucoup plus secret qu'un Américain qui dévoile au monde ses plans stratégiques.

Il avait un don pour manipuler les internautes par l'intermédiaire de la persuasion, de l'opportunisme et de l'observation psychologique en profiler né.

Toutes les ficelles du métier d'espionnage avaient transitées dans son esprit.

La limite entre le bien et le mal s'était ainsi effacée de mes souvenirs.

Corriger le mal par le bien, l'officieux par l'officiel, n'est-ce pas la meilleure source de profits?

Je deviens Docteur Jekill plus que Mr Hide nouvelle formule et plus comme Vic l'avait fait auparavant...

En dauphin de Vic, du grand maître virtuel, je pensais rêveur que sa référence devait me servir et que je ne pouvais pas le décevoir même à titre posthume.

Gozo, la petite île voisine de Malte, avait été sa base de retraite et elle restait encore à l'écart dans ma mémoire comme un rêve mal achevé.

Sa maison n'avait peut-être pas été squattée pendant ces années et pourrait m’accueillir un jour.

Je me rappelle les réserves que Vic et moi y avions enterrée profondément dans une cassette dans les environs du jardin. Je me rappelle vaguement de l'endroit. 

Cela peut me servir de vache à lait pour aller de l'avant temporairement et pas ses maigres revenus dans l'enveloppe que l'on me tend. Après je suis prêt de manger de cette vache enragée avant d'y arriver. Je me verrais bien dans cette peau-là.

Malte n'était pas très connue avant d'entrée dans la CE. Immédiatement après, elle avait été reconnue comme un paradis fiscal mais aussi comme paradis pour touristes plus ou moins fortunés et pour personnes entreprenantes qui aimaient travailler à la limite de l'illégalité.

Tout avait bien changé depuis que je suis entré en prison. Il n'y avait pas que le réchauffement climatique.

Je ne m'étais pas radicalisé comme le font certains détenus pour se rendre au combat terroriste. Désormais, j'aime la vie plus que tout. J'aime le confort et les moyens offrant le maximum de performance pour un prix très écologiquement pauvre.

Reconnaitre tout ce qui est faux et apporter les manières de les reconnaitre, j'avais même lu que la société Collibra s'était attelée dans cette tâche pour la gestion des données et que l'intelligence artificielle y participait activement.

Paris où j'avais habité, n'est plus un havre de paix.

Les gilets jaunes ou verts, les foulards rouges avaient pris le relais au mécontentement général.

Ce n'était pas mon idéal de manifester en créant une ambiance de casseur.

J'étais encore occupé à rêvasser à ce que j'allais faire une fois à l'extérieur quand ce lundi matin de ma relaxe arrive et que le gardien habituel vient me chercher avec des mots plutôt joviaux.

- Salut Greg, ton bagage est prêt? Ça y est, le grand jour est arrivé. Tu es libéré", me dit-il en ouvrant la cellule.

Mon bagage est déjà bien ficelé dans un paquetage depuis la veille dès que le message du directeur m'était parvenu pour m'avertir de ma relaxe.

Je ne réponds rien et seul un sourire se présente sur son visage.

- Allons ensemble chercher les effets que tu avais mis à la réception à ton arrivée. Tu sais, tu vas nous manquer en définitive", ajoute le gardien avec un rictus amusé.

Très vite parce que très pressé de quitter les lieux sans me retourner j'arrive avec lui au service de la rétention des objets personnels pas loin de la sortie de la prison.

Le préposé que je ne connais pas, prend ma case bien garée dans une armoire.

Rien de vraiment exceptionnel ou d'inhabituel si ce n'est la simili douceur qui règne entre deux interlocuteurs consentants à vivre en prison en gardien ou en prisonnier.

Il sort mes effets personnels l'un après l'autre entre deux doigts comme si c'était des reliques poussiéreuses qu'il ne faut ps abîmer.

L'inventaire de ma cassette en dépôt ne contenaient que quelques pièces de monnaies, mon passeport, un GSM et quelques effets personnels...

- Tu vas devoir changer de portable. Celui-ci est un véritable fossile que tu peux envoyer au musée, dit-il avec un sourire quelque peu ironique.

Je souris à nouveau narquois.

J'avais lu que à l'horizon de 2025, le fisc semblait vouloir rendre le papier obsolète pour raison d'économie et pour le rendre reconnaissable par des transactions officielles.

Mon passeport a de toutes façons dépassé sa date de péremption.

Quelques centaines d'euros peut-être comme rétribution gagné en travaillant pour des sociétés qui s'engagent à rémunérer les détenus, dans une petite enveloppe bien mince se sont ajoutée dans laquelle se trouvent probablement quelques billets pour recommencer ma vie à l'extérieure. 

Le plus marrant, c'est que cette fois, j'allais être payé en jouant sur le même tableau de la piraterie virtuelle en manipulant les criminels du web pour parfois sauver la peau de leurs victimes.

Pas de mort ne direct parmi ces victime si ce n'est à cause de suicides de désespoir.

Le topo que m'avait fait Noémie pour m'engager avec objets connectés, intelligence artificielle, simulation d'attitude naturelles, fakenews qui se présentent sous forme écrites ou imagées, "Deep learning" et les "Deepfakes", vidéos truquées rendant les supercheries indétectables par logiciels interposés, cryptage des données apportaient de nouvelles solutions de piratage bien plus sophistiquées...

De tout cela j'en avais entendu parlé ou lu mais évidemment pas pratiqué.

Je me dirige seul vers la sortie et un gars que je n'avais jamais rencontré, vient immédiatement à ma rencontre.

Il m'arrive tout sourire avec la main tendue.

Je m'attendais à voir Noémie venir me chercher et je suis déçu.

Il a dû recevoir ma photo pour me reconnaitre.

- Je m'appelle David. Je viens te chercher pour aller jusqu'au bureau à Bruxelles. Je ne sais si elle t'a dit que notre repère s'y trouve. Si tu ne sais pas cette ville contient le plus d'espions en tous genre après Washington, me dit-il d'un air le plus naturel comme si je ne sortais pas de prison avec toutes ces années.

La sympathie se lit sur son visage. Les cheveux en bataille, le col de chemise ouvert largement. Instinctivement, je le regarde de haut en bas et ce qu'il cache difficilement sous son bras gauche braque mon regard tout de suite.

- T'inquiète pas, j'ai un permis de port d'arme. Cool. Tu entres dans une section spéciale alors on ne s'y embarque pas sans biscuits. Tu verras cela dans le futur quand tu quitteras la base, me dit-il pour me rassurer. Je suis le numéro deux dans notre organisation

Je ne réponds pas presque respectueux des gallons qu'il a dû recevoir en réponse à ses faits d'armes dans le renseignement.

Mon regard se porte déjà ailleurs sur ce qui m'entoure.

Je veux profiter de cet instant de plénitude dans laquelle tous les prisonniers doivent ressentir en sortant de sa taule.

Tout ce que plus personne ne remarque me parait beau.

Le bruit, les gens qui se déplacent, la nature, les arbres passent entraveling devant mon regard comme des nouveautés inimaginables avec un plaisir que personne chez ceux qui y passent tous les jours, n’aperçoit et n'imagineraient pas.

David, puisqu'il m'a donné son prénom, ne partage pas mon émotion et m'attire vers la voiture qu'il a à sa disposition.

S'il est jovial, enjoué, il est aussi pressé comme beaucoup de monde de l'extérieur.

A l'intérieur de la prison, les heures et les jours s'écoulent à un rythme bien plus lent.

- Suis-moi. J'attends depuis un certain temps et je pense que j'arrive à la limite de temps que m'accorde le ticket de stationnement. On discutera en chemin. On a au moins trois heures pour cela.

Une voiture à la plaque belge se détache parmi les autres et David m'y donne accès avec sa commande à distance tout en s'y engouffrant et en me laissant plus de temps pour m'y installer.

- T'as mangé? Tu veux un cannibale avec trois pistolets que j'ai acheté avant de partir? Il est emballé sur la banquette arrière. Il y a aussi quelques bières dans le petit casier sous ton siège", lance-t-il une fois à l'intérieur de l'habitacle...

- Un cannibale?  Des pistolets?

- Il faudra augmenter ton vocabulaire. Désolé. Faudra que tu t'y fasses. Ils ont un jargon exotique à Bruxelles où l'on va. Même les espions mangent ce qu'ils trouvent là où ils sont envoyés. Un cannibale, c'est un toaster avec une couche épaisse de filet américain ou tartare, tartinée sur des tranches de pain grillé encore tiède. Désolé, encore une fois, vu le nombre d'heure, il sera froid. Tu verras, on y ajoute des cornichons, de petits oignons au vinaigre et des câpres. Quant aux pistolets, ce sont des petits pains ronds qui l'on peut manger avec l'américain mais là c'est toujours froid.

Je me retourne. Je trouve ce qu'il me dit et je commence un déjeuner qui ne ressemble pas du tout à ce que j'ai mangé pendant toutes ces dernières années.

Voyant que j'ai la bouche pleine, David reprend son monologue.

- Notre promenade en remontant vers le nord va te plaire. Je suppose que tu n'es jamais allé à Bruxelles.

La bouche pleine, je fais "non" de la tête et lui continue à parler en regardant la route.

La soufflerie de la clim est tellement forte que l'habitacle reprend très vite un peu de fraicheur qu'il avait perdu pendant le stationnement. 

Il a l'air de pester dès qu'il est bloqué par un encombrement sur le chemin.

- Ce GPS est vraiment nase. Il m'envoie en plein Paris. il ne sait pas que les Parisiens s'évadent de la capitale pour ce long weekend.

C'est la première fois que j'entends les indications de cette dame qui sort de sa boîte pour indiquer le chemin à suivre.

Des que cela se dégage la voiture bondit quelques centaines de mètres pour s'arrêter à  nouveau un peu plus loin.

- Ah Paris et ses bouchons qui n'en finissent jamais..., conclut-il.

- C'est différent à Bruxelles?

- Différent ? Tu rigoles, c'est parfois pire. La ville est beaucoup plus petite et les rues y sont encore bien plus étroites. Il y a des travaux partout. A Bruxelles, c'est un jeu de chenilles processionnaires, dit-il en rigolant.

Paris, j'ai connu après avoir quitté ma Pologne natale. Bruxelles est une inconnue pour moi.

Je lui fais confiance pour le reste en le laissant jouer jusqu'à l'entrée de l'autoroute qui se présente enfin après une série de crochets, de détournements ressentis très mal par mon nouveau chauffeur, David.

Là, je me permets de commencer à lui poser des questions puisque nous avons trois heures à perdre en route.

- Es-tu dans le groupe de Noémie depuis longtemps?

- Pas tellement. A peine, quinze ans et demi. Il y a parmi nous des gars qui y sont depuis une, deux ou trois années. Je te présenterai à chacun qui se ra présent. C'est un domaine et un genre de profession dans lequel on bouge beaucoup. Cela peut être très fatigant en temps de crise. Là, on travaille 24 heures sur 24. Noémie a été bombardée au dessus de moi. Oh, je ne lui en veux pas. C'est la dure loi du renseignement.

- Cela arrive souvent ces escarmouches militaires?

- Cela dépend de la période. Quand il y a eu les pointes de terrorisme. Quand il y a les élections, c'est tout le monde sur le pont à surveiller les agissements pour influencer les gens. Tu as entendu parlé de certaines affaires, je suppose. La prison fait entrer des infos de l'extérieur, non?

- Oui, mais fais semblant que je ne connais pas. Je ferai la fusion avec ce que je connais.

- Ok. Le bureau se trouve en plein au milieu de Bruxelles près du quartier européen. On t'a trouvé un flat meublé pas trop loin qui te permettra de t'installer à loisir. Si on arrive à temps, on ira au bureau, sinon je te mènerai immédiatement à ta piaule. J'ai pas dit ta taule... lance-t-il en riant.

- De quel genre, vont-être mes nouveaux collègues?

- Je ne les connais pas tous, mais nous sommes presque tous de nationalités différentes. Je suis Israélien. Israël est connu pour faire partie des champions du côté de la répression du piratage du web. En 2013, le pays avait créé une école anti-piratage informatique parce que des hackers avaient voulu effacer le pays de la carte. Tu as été probablement choisi pour tes connaissances dans les pays de l'Est. Je sais que tu as quitté ta Pologne natale mais que tu y as tout même vécu pendant plus de 20 ans. Cela ne s'oublie pas. Non, il n'y a pas d'erreur dans le choix que la boîte a fait avec toi.  

Je reste un temps sans parler en regardant la route et en réfléchissant aux questions qui pourraient m'intéresser.

Il brise lui-même le silence.

- Tu veux peut-être connaître un peu plus des objectifs de la boîte? Il y a tellement de chose à dire que je ne sais même plus par quoi commencer.

- Je n'osais pas poser la question. Vas-y. Je suis tout ouïe.

- Ok. Dans le collimateur, il y a Daech,la Corée du Nord, la Chine qui sont ce qu'on appelle les "Usual Suspects". Mais ils ne sont pas seuls. Déjouer les complots sont les tartes à la crème fouettée. Déterminer s'il s'agit d'un leurre, une invention de touts pièces demande un temps dont on ne connait l'importance qu'en fin de course. Entre espionnage et contre-espionnage, il y a tellement de points en commun. Ce sont les même outils qui sont utilisés, mais tous deux sont les mêmes artéfacts, dont les artifices sont seulement inversés dans leur splendeur et leur perversité prévus par les nouvelles technologies qui ont même inventé des instructions pour aller voir l'ennemi chez lui et lui introduire des plaisanteries dont chacun à la surprise envoyée par l'autre bord.

- Je comprends que mes petites bafouilles avec mon collègue de l'époque, n'étaient pour vous que du menu fretin. Les budgets alloués doivent être aussi énormes à cette opération araignée, comme Noémie en avait parlé.

- Partiellement. Toutes nos actions sont signées à l'encre sympathique du passé à révéler pour ceux qui ont les clés en partage. Trouver l'antidote et comprendre la finalité sont affaire d'expérience. Tu devras te remettre à jour. J'ai appris que tu as pris presque dix ans de retard et dix ans c'est un siècle dans d'autres domaines d'exploitation des ressources humaines. J'ai fait partie du Mossad avant d'arriver en Belgique. Paris, je connais moins. Demain, il y aura un meeting organisé tous les mardi pour analyser les progrès. Tu pourras y assister. Au début, tu te mettras derrière chacun des ingénieurs qui occupent chacun un ordinateur de toute première force de calcul et d'accès sur le Web. Tu connais l'anglais, j'espère. Tout est dit en anglais.

- Oui, mais cela fait longtemps que je n'ai plus pratiqué la langue de Shakespeare. Dans une prison française, c'est la français qui est la langue pratiquée entre prisonniers et gardiens. L'anglais est même prohibé.

- Tu rencontreras Igor, c'est un ukrainien de naissance à Donetsk. Il parle anglais comme toute l'équipe. Dans quel camp fait-il partie? Est-il pro-russe ou pro-ukrainien? Sur place, là bas, c'est du 50/50. Cela dépend même du mois pendant lequel on fait l'analyse statistique. Le Service secret devient du sable mouvant permanent. Il faut toujours en tenir compte en permanence. Si l'un de nous trouve un concurrent qui paye mieux et qu'il trouve des avantages que nous n'avons pas, il partira et on le remerciera sans hésitation plutôt que de rester et devenir un vers dans la pomme. Les nationalismes ressortent quand on ne les attend plus et les controverses reprennent en même temps. Ils sont à prendre en considération dans l'écoute des conversations qui ne sont pas nécessairement orageuses pour autant. Je devrais avec l'âge qui est le mien, avoir des convictions et prendre parti pour les Israéliens contre les Palestiniens. Je ne peux plus le faire quand je vois des compatriotes qui investissent sans vergogne les territoires occupés par les Palestiniens pour des raisons religieuses. Je me dois d'avoir une vue internationale et non plus nationale. Nos deux peuples sont pourtant très semblables. Ils travaillent parfois ensembles en trouvant des intérêts en commun mais dès que tu parles religion, c'est le retour aux sources qui remet avec les émotions ancestrales qui reprennent le gouvernail, avant la raison et aux bénéfices d'une poignée de dirigeants.

- J'ignorais que les dissensions naissent au nom d'un dieu qui serait différent. J'ai été éduqué dans la foi chrétienne, mais j'ai dû faire marche arrière au vu de ce que la vie m'a obligé à entreprendre pour simplement survivre. Ma famille était très pauvre et je ne voulais pas rester comme eux. 

- Les motivations de nos actes sont secrètes et relèvent de stratégies contradictoires derrière des idéologies ancrées dans les familles de chacun.

- J'ai rompu très vite avec ma famille. Elle me l'a fait payer. Je n'ai aucune visite de leur part pendant toutes ces années derrière les barreaux même quand j'étais dans une période de tristesse ou de désespoir et que j'aurais eu besoin d'un soutien familial.

- Nous sommes une armée de mercenaires, payée grassement, sans foi ni véritable loi si ce n'est celle de devoir correspondre à l'importance de la somme que l'on nous octroie pour nos loyaux services d'espionite. Tous pour un et dieu pour tous, selon la devise des mousquetaires.

- Pas vu, pas pris, aussi, non?

- Exact. Le risque d'avoir une taupe à bord n'est pas nul. Une fois détectée, faut-il le punir pour son changement de cap? Le renvoyer dans ses pénates? Éradiquer le vers dans la pomme? Non. Au contraire, faire semblant qu'on ne l'a pas découvert. Lui apporter des informations trafiquées, filtrées par nos soins pour qu'il les transmette ensuite à sa base et qu'il devienne la branche morte qui tombe par manque de jus de pomme frelatée. La menace, les rodomontades, la mort par assassinat pour éliminer un gêneur, n'ont pas cours chez nous. La liberté reste la priorité. L'efficacité se fait par l'intermédiaire de "ransomware", de rançongiciel comme on dit en France. Depuis que je suis dans ce service, j'ai connu deux cas d'espèce et cela s'est réglé tout naturellement. Le renseignement tout comme le patriotisme est une arme à double tranchant. Quand un anti-virus est inoculé pour contrer le virus, tout devient possible. Qui sera globalement gagnant ou perdant? C'est presque à pile ou face que cela se décide. Les intérêts de chacun sont à respecter et même à renforcer pour que chaque clan y gagne en fonction de ses propres investissements dans un protocole de mitigation.

- Mais quelles les fonctions de l'organisation.Elles doivent être très nombreuses.

- Pour être nombreuses, elles le sont mais il faut scinder le boulot quand tu penses que cela passe par la prostitution, le trafic d'organes, la drogue, les déchets toxiques, les armes et j'en passe. Notre service s'intéresse surtout à la corruption et la cybercriminalité. A ce sujet, en Belgique nous sommes passés quatre degrés de la menace pendant la période du djihadisme de Daech. Menaces possibles, menaces imminentes à toutes les sauces. Elles étaient souvent lancés en fonction de ce que nous donnions comme avertissement et comme information à l’État belge qui est notre hôte. Nous devons jouer aux mages ou aux oracles par nos bons services de prévoyance. Le plus marrant, c'est que nos opposants calquent leurs actions en fonction des nôtres et les leurs le sont sur les nôtres dans une jeu de l'oie sur lequel il existe des cases prisons dont tu dois avoir connu les tenants et aboutissants. Une montée en grade de la menace suit l'interception d'un message crypté de Djihadistes et précède leurs revendications. Aujourd'hui, ceux-ci se sont un peu endormis, mais ce n'est que partie remise. Il n'y a plus beaucoup de kidnappings mais j'ai une autorisation de port d'armes pour faire obstacle aux enlèvements et aux demandes de payement de rançons si j'étais capturé. Bruxelles va te plaire si tu aimes la variété des races et des cultures de sa population. C'est une ville bilingue d'après la constitution. Tu ajoutes l'anglais dans les affaires et une bonne centaine de cultures et de langues différentes que tu entendras en te baladant dans les rues. Cela en fait un labyrinthe et un véritable laboratoire pour l'Europe qui se cherche toujours, avec ses lobbies et ses affaires plus ou moins louches qui tentent d'influencer l'autre par une propagande sans le dire officiellement. Notre équipe est internationale. On bavarde et on a déjà dépassé la frontière presque sans s'en apercevoir. Bienvenue en Belgique, Greg. Encore moins d'une demi-heure et on entrera dans sa capitale que je te ferai découvrir avec un petit tour d'un admirateur averti.

- Qu'est-ce qui est sur la planche des problèmes importants pour le projet araignée?

- Tu n'as peut-être pas suivi nos nouveaux problèmes européens avec l'administration Trump, ses manières totalement imprévisibles de faire de la politique. Rien que cela monopolise nos efforts pour tenter d'avoir une petite avance sur ses tweets.

- Pourtant, vous y arrivez peut-être mieux qu'avec Poutine qui lui ne laisse rien entrevoir de sa stratégie.

- Tu as raison. Dans ce cas, c'est à partir d'une autre optique que nous devons travailler. Non, si tu as été engagé par Noémie, c'est parce que le service va encore devoir s'étoffer de jeunes recrues. Le labyrinthe de proxies anonymes avec des serveurs répartis dans une dizaine de pays demande beaucoup de personnel. Pister un message peut renvoyer à une mauvaise adresse et demander des heures, des jours et des semaines perdues à collaborer, à proposer et réfuter des idées, des hypothèses devant l'écran noir d'un ordinateur. Hacker les codes, les casser dans la cyberguerre ne se fait pas dans la dentelle mais par des phishings ciblés... Toujours le même problème de déterminer dans les information ce qu'est intérêts non punissables et conflits d'intérêts qui eux le sont. S'inquiéter de la provenance des infos et de leurs destinations qui quand elles font partie des pays non-démocratiques peuvent entrer en concurrence entre liberté d'expression, ingérence, dissidence et droits de l'homme. Je peux te parler de cela pendant des heures de ce qui se cache derrière notre devise "Relier le monde pour un monde plus sûr". 

Je me rappelais de certains points que Vic et moi avions pratiqués avec délectation dans une autre vie mais ici, il s'agissait d'un tout autre niveau.

David semblait enflammé par sa manière de répliquer en m'informant en me parlant de son emploi du temps qu'il semblait aimé.

Je n'avais plus de questions et la conversation s'est arrêtée à l'entrée dans l'agglomération de Bruxelles quand le trafic s'est accentué.

J'aurai encore d'autres questions à lui poser, mais il avait déjà répondu à des questions que je n'avais pas posées et comme entrée en matière, cela me suffisait pour débuter..

Presque en même temps, le ciel s'était obscurci. Les nuages et le vent se partageaient le ciel.

La route s'était rétrécie en sortant de l'autoroute , je suppose pour entrer dans Bruxelles.

Les limitations de vitesse que David connaissait, semble réduire considérablement le nombre de longues réponses, mais il commence un rôle de guide en m'indiquant ce qui était susceptible de m'intéresser en quelques mots à chaque endroit qui ont de l'importance à ses yeux.

Je suis son doigt qui l'indique en parfait touriste. Près du centre de la vielle, il cherche une place de parking sans y parvenir après quelques détours et moi qui ai l'impression de revenir au même endroit en cycle. David a fini par s'introduire dans un parking souterrain.

C'est après que le circuit touristique a pris forme comme s'il s'agissait d'une circuit préformaté de longue date.

- Je vais te montrer le bijou de la ville, la Grand-Place. Cela vaut la peine d'attendre un peu et de tourner en rond. Mais pas trop longtemps. Chercher un parking en surface, je savais que cela se terminer en fiasco. Les touristes doivent avoir monopolisé toutes les places autour de la Grand-Place. La visite va continuer à pied exclusivement. Bruxelles centre n'est pas Paris. Le principal de ce qui est à voir, est très concentré pour visiter un maximum sur une petite surface de son territoire. Après quand on sera fatigué, ce qui ne va pas manquer, nous irons ensuite boire une bière, ici, c'est le pays de la bière. Enfin, comme tu vas le remarquer c'est aussi l'endroit qui a la plus grande concentration de magasin de chocolat. Du chocolat sous toutes les formes de pralines mises dans des boîtes en carton appelées "ballotin". Aujourd'hui, c'est un jour pendant lequel on fête Marie. Tu vas voir que si le temps le permet, le monde va approcher la saturation. Des fleurs attirent à l'intérieur de la Tour de la Grand-place. Les années paires, sur cette même place, c'est un tapis de fleur qui fait sensation avec un thème différent. Ce soir, c'est la musique qui sera en fête. On ira manger un bout ensemble. J'ai reçu un budget pour nous deux. En finale, quand tu seras vraiment crevé, je te mènerai jusqu'à ton appartement, dit-il voyant que j'écoute avec une attention non dissimulée mais avec un brin d'impatience.

Nous y voici sur cette place centrale. Tout y est concentré autour d'elle. Pleine de monde et de touristes venant de tous les coins du monde avec une pointe pour les touristes chinois qui déambulent en groupes serrés. On visite presque au pas de course, la Galerie, le piétonnier, la cathédrale, le petit Manneken Pis habillé pour la circonstance et quelques autres points d'intérêt. David a un don certain de guide pour faire visiter la ville aux touristes.

- Nous n'aurons pas eu le temps d'aller voir le dernier point très connu, l'Atomium. C'est trop loin d'ici... Une autre fois. L'appartement dans lequel tu iras, est dans le Nord de Bruxelles, à Evere, dans un quartier d'une des dix neuf communes de la région de Bruxelles où résident beaucoup de travailleurs en provenance d'Inde, engagés pour apporter leurs connaissances en informatique. Tu pourras voir de loin l'Atomium de là.

La soirée se termine très tard. Nous avons bien mangé dans un petit restaurant que David semblait bien connaître.

Je suis crevé et David semble avoir atteint son maximum quand il décide de revenir à l'appartement qu'il me réserve. 

Immeuble à étage. Nous ne rencontrons personne dans l'ascenseur.

- Ce 15 août est un jour férié et beaucoup de personnes on fait le pont avec le weekend. Les Indiens du quartier sont peut-être allés faire du cricket dans le parc qui n'est pas loin d'ici, me dit David.

La vie moderne a de ces obligations de vie en communauté que j'ai connu en prison.

Quant aux surprises dont j'avais oublié les vicissitudes et obligations, je suis sûr que beaucoup de choses à réapprendre en font partie.

Cette ville, présentée par David, bien plus petite que Paris devrait m'aider à me reconfigurer..

..

05: La crim a l'ouvrage... enfin si c'est la crim...

Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux.”, Jean-Jacques Rousseau

16 août 2019: Le lendemain matin, j'ai eu difficile à me réveiller. 

Aucune sonnerie. Pas de réveil matin. Le nirvana...

Le réveil en prison se faisait par une sonnerie qui résonnait dans toute la prison.

Avoir dormi dans un lit moelleux que je n'avais plus connu depuis tellement longtemps, ne me donne pas l'envie d'en sortir.

La bière que David m'avait proposée avant de se quitter, s'était multipliée par trois ou quatre. Enfin, pour tout dire, j'ai du mal à les compter.

J'ai de plus une cure foi a pratiquer pour remédier à cette crise de foie due au chocolat ingurgitée sans compter les pralines en ballotins que David m'a presque obligé à tester qui n'a pas été opposée d'une résistance à toutes épreuves de ma part.

Les images rapides de la ville de Bruxelles défilent encore dans ma tête comme dans un rêve rapide. 

Il est plus que temps pour se lever car David va arriver.

Je m'étire plusieurs fois en jetant un coup d’œil à ma montre avant de sortir une jambe après l'autre de mon lit.

Le soleil entre déjà au travers des interstices des tentures.

Il ne va pas faire beau disait la météo.

Je m'apprête plus rapidement que d'habitude pour rattraper mon retard dû à mon sommeil prolongé de récupération.

Pas de vêtements à choisir, ce sont les mêmes qui étaient réservés pour les grandes occasions dans la prison, que je reportais encore hier pour en sortir, qui vont me servir une nouvelle fois.

Ce matin, David m'a dit qu'il allait me présenter à mes nouveaux collègues de bureau. Je me dois d'être au moins bien rasé pour faire bonne figure.

Il me faudra renouveler ma garde-robe là où David me l'avait indiqué pendant le tour d'hier soir.

J'ai à peine fini de m'enrouler un nœud de cravate autour du cou en me donnant un mal fou par manque d'habitude, que la sonnerie de l'appartement retentit.

Je jette un œil au parlophone, la vidéo installée me confirme qu'il s'agit bien de David et je descends quatre à quatre sans attendre l'ascenseur..

- T'es prêt? Cela tombe bien que l'on va au bureau aujourd'hui", me dit-il le plus naturellement du monde comme si on se connait depuis des lunes.

- Pourquoi?

- Parce que aujourd'hui c'est vendredi et le vendredi, nous avons une réunion hebdomadaire pendant laquelle, notre cheffe, Noémie, nous tient au courant des dernières affaires en cours pendant la semaine. Ce n'est pas ce jeudi férié qui changerait ce programme. Tu recevras bientôt une petite voiture de service qui te permettra de rejoindre le bureau. Dépêche-toi. Je suis mal garé devant un garage. Tu verras, plus tard, le parking à Bruxelles est une plaie du modernisme et de la mobilité bruxelloise.

Je le suis en me calquant difficilement sur son rythme.

La même voiture que la veille est là comme il le dit, en plus, garée sur un passage pour piétons.

- C'est parti. C'est pas loin. Retiens ton souffle, retiens le parcours. Je supposes que tu devras y aller seul dès lundi, crie-t-il pour surmonter le bruit d'un camion qui passait par là.

Je m'installe sur le siège passager pour obéir à son injonction juste avant qu'il démarre en trompe.

Moins de dix minutes suffisent pour repérer le trajet dont je retiens parfaitement les péripéties. Gauche, droite et un grand et large boulevard se présente à suivre jusqu'à, un grand bâtiment arrondi en plusieurs demi-lunes se présente à notre gauche.

1.JPG- Tu as dû entendre parler de l'OTAN. L'Organisation Traité de l'Atlantique Nord, c'est ça dans toute sa modernité. Le bâtiment a été construit avec des règles de sécurité dont tu n'as pas idée de l'ampleur. Tout y est secret. J'y suis entré un jour. C'est extraordinaire. Le bâtiment à côté, c'est là que nous allons. Je prends le rondpoint suivant pour retourner sur nos pas et nous entrerons sur son parking, me dit David qui surveille mes réactions du coin de l’œil en guide avisé.

0.JPGJe jette un coup d’œil au bâtiment qu'il indique. Aucune mention indique qu'il s'agisse d'une maison attribuée à la police à part un drapeau et cette cette petite plaque annonciatrice, la grande parabole sur le toit qui doit pouvoir capter les ondes sur une larges bandes, plusieurs objectifs pointés sur tous les angles morts qui observent les entrées et sorties et quelques voitures de polices garées dans le fond du parking.

- Pourquoi à côté de l'OTAN et pas à l'intérieur, il y a plus de sécurité derrière ses barrières?

- J'ignore. Peut-être est-ce parce que notre service police veut être indépendance de l'OTAN.

Sa réponse ne me satisfait pas mais je n'en laisse rien paraître. Dans les deux minutes qui suivent après avoir parqué la voiture, les sécurités ne vont pas manquer.

A l'entrée, il est mentionné: "ICAEO-Institut européen pour la formation à la sureté de l'aviation". Je me dis, bonne couverture, si c'est que David m'a donné comme info. C'est un bâtiment avec un étage avec beaucoup de coins convexes. Les vitres ne laissent rien entrevoir à l'intérieur. Tout est caché par des volets solaires baissés alors qu'il n'y pas vraiment de soleil qui le justifierait.

Je suis David à un mètre derrière lui. 

Le premier sésame de David passe par une préposée qui regarde son badge avec beaucoup d'attention et qui lui fait inscrire son nom et le mien dans un registre.

Je reçois un badge visiteur. Je suis sous sa responsabilité. Tous deux, nous dirigeons vers les escaliers. Il y a un ascenseurs mais David n'y prête par attention. 

A l'étage, nouvelle vérification du badge de David pour entrer dans un nouveau sas.

- Nous voici dans l'antre de la crim scientifique qui est en charge du projet araignée dont Noémie a dû te parler, me souffle David à l'oreille en montant l'escalier. "On appelle le bureau la "Cybertech", ajoute-t-il.. 

Ce n'est pas tout, un oculaire permet de reconnaitre l'iris de son œil pour que la dernière lourde porte s'ouvre enfin.

Dès l'entrée, on sent que le stress règne. Chacun est planté devant un ou deux grands écrans d’ordinateurs comme s'il s'agissait de traders en Bourse.

Tous pianotent sur leur clavier à la vitesse de l'éclair pour consulter les lignes de codes qui défilent devant leurs yeux. Moi qui, à l'époque, ne suis parvenu qu'à taper sur mon clavier qu'avec deux ou trois doigt, cela me donne un complexe.

Une série de cloisonnements autour des bureaux et derrière chacun d'eux, une technologie dernier cris.

Les dossiers s’empilent sur les bureaux.

Probablement, affaires résolues d'un côté, affaire en cours de l'autre, me dis-je.

- Ce sont souvent d'anciens ingénieurs hackers dans leur pays qui ne leur offraient que peu d'argent à la fin du mois. Ici, ils sont devenus des contre-hackers bien payés. Viens, suis-moi, on va prendre un café avant de te présenter quelques collègues. Je ne connais pas tout le monde. Il y en a qui sont en mission dans la nature", me souffle à nouveau David à l'oreille comme si on était dans une église.

Allusion à peine voilée que je n'étais pas le premier à avoir bénéficié de la faveur d'être sorti de prison offert par la maison de la police virtuelle.

Dans la cafétéria, un écran de télé transmet des informations en anglais en continu, probablement à partir de CNN.

Devant une des deux machines à café où David m'entraîne, on discute en anglais.

Je comprends qu'il y a eu la mort d'un cycliste belge dans une course cycliste en Pologne. L'accent de celui qui en parle, dénote une langue anglaise du style globish pour en parler a un anglais très guttural. Probablement, un allemand et un belge, me dis-je.

J'avais entendu et vu juste. Dans les secondes qui suivent, David en profite pour me présenter Gabriel, le belge et Dieter, l'autrichien..

David me dit en français, à l'écart des deux dialoguistes, David me dit "chacun connait les prénoms ou leur pseudos, jamais les noms. Moins on n'en sait mieux on se porte en cas de problème".

De l'autre côté de la cloison, un cri perce le silence. 

- Ça y est, je le tiens. Il a mordu, vite il faut capter son IP adresse avant qu'elle ne nous échappe. Il doit faire partie d'une organisation internationale", lance un des gars et tous le monde se retourne vers lui pour aller constater sa prise.

- Allons plus près et je te présente déjà le découvreur de la journée avec les autres qui vont venir voir de quoi il s'agit comme des mouches à merde", me chuchote David avec un sourire narquois. On s'approche mais David change d'avis et m'entraine plus loin.

- Le temps presse. Il va être 10 heures. Allons dans la salle de réunion au bout du couloir. Noémie y commence toujours la session et elle est toujours à l'heure, dit-il encore après avoir consulté sa montre.

Une minute après s'être installé sur les chaises qui font face à un tableau aux côtés de trois autres, Noémie apparait.

Elle est encore plus jolie aujourd'hui que quand je l'ai vue en prison avec son foulard multicolore qui entoure son cou avec son chemisier de couleur pastel entrouvert. Mais visiblement, elle n'est pas là pour les balivernes ou pour parler de sa toilette.

Chacun reste assis. Cela a dû faire partie de sa volonté et, sans attendre, elle prend la parole en anglais.

- Chers amis, pour assurer la confidentialité de cette rencontre et pour ne pas perdre de temps aux autres, j'ai limité le nombre de participants, de petits génies de l'informatique en comptant sur vous pour cette délégation.

Un sourire se pointe sur les lèvres de ceux qui lui font face. Elle me donne le ton enjoué dont elle aime user pour présenter son discours et aussi son habitude de parler en public.

Elle se tourne vers moi après avoir fait un tour d'horizon en ajoutant:

- Nous avons un nouveau aujourd'hui. Du renfort pour les affaires qui touchent l'est de l'Europe. Je vous demande de lui faire bon accueil parmi nous. Il s'appelle Greg et il est d'origine polonaise avant d'avoir passé quelques temps à Paris.

Elle marque une pause pendant que les autres occupants me regardent avec un sourire sur les lèvres.

Elle ne parle même pas de quel genre de temps, j'ai passé à Paris.

Sourire que je réplique avec satisfaction.

Elle embraie immédiatement en choisissant des concepts généraux qu'elle semble m'adresser comme première leçon de manière générique correspondant à ma propre mise en route dans le service alors que tout le monde présent devrait connaitre son discours implicitement.

- Avec la presse sans foi ni loi, avec Internet et les réseaux sociaux, la planète entière a les yeux braqués sur ses dirigeants nuit et jour, rendant leurs déplacements incognito très difficiles et ses yeux viennent de partout incognito. Nous sommes dans une partie de cache-cache avec le salut à rechercher dans la sécurité maximale. Les secrets se doivent de le rester dans les détails de nos projets et aussi sur ce que vous faites dans la vie à l'intérieur de ce bâtiment et lors de vos trajets à l'extérieur. La confiance, cela se gagne aussi dans les détails. Certains d'entre vous, on suivit des cours intensifs de psychologie qui permettent de détecter les agissements de vos interlocuteurs sous le manteau de vos bons services qui pourraient vous attirer dans des pièges. A bord, nous avons voulu avoir tout l'éventail des nationalités qui se doivent d'oublier tout nationalisme mais en utilisant leur expérience du pays dont ils sont originaires pour en comprendre l'esprit, les coutumes et les intégrer dans nos propres projets impliqués dans la sécurité des systèmes. Le terrorisme, il faut se le rappeler est une conséquence d'injustices auxquels nos ennemis se sont appliqués pour nous détruire en exportant leurs ressentiments. Ils sont là souvent pour réveiller notre attention tout en fuyant leur passé trouble. Vos ennemis n'agissent pas seuls. Ils font partie d'organisations qui peuvent être mafieuses, idéalistes ou rentables en vendant leurs services aux plus offrants. Après cette entrée en matière, voyons les progrès de vos affaires respectives.

- Je suis en charge de ce virus "Wiper" que j'ai signalé récemment. Je ne suis malheureusement pas encore parvenu à localiser sa provenance, ni à comprendre ses buts, ni qui tirent les ficelles après avoir envoyé des menaces contre les pays européens. 

- Que pensez-vous qui serait judicieux de faire? Vous faire aider par l'un de nous? Si cette menace reste à ce stade de latence, cela nous donne du temps. Ces menaces sont peut-être inexistantes et ne valent pas la peine de s'inquiéter. En d'autres mots, ce n'est pas encore la crise, mais je compte sur vous pour le découvrir ou que cela le reste toujours. 

- Le problème, c'est que le virus s'il se manifeste et je suis presque sûr qu'il l'a déjà fait, ne laisse aucune trace. Il n'a aucune structure connue. Il apparait et disparait au moment où on le détecte. Il ne donne même pas l'air d'avoir siphonné des informations.

- L'intégrité de nos réseaux est-elle encore suffisante? C'est ça la question à laquelle il faut répondre tout de suite et nous oblige d'y veiller.

- Bien d'accord. Pas courriels perdus, cela ne prouve pas que que nos réseaux sont à l'abri d'un sabotage.

- Il y a peu d'experts avec des compétences en cyberterrorisme et encore en contre-cyberterrorisme en dehors de vous. Dans ce cas, il ne faut pas perdre confiance. David, tu viens d'Israël. Tes compatriotes sont les mieux outillés pour résister dans la cyberdéfense. Prend contact avec tes compatriotes. Ils sont des alliés naturels, dit Noémie en se tournant vers lui.

- La Russie a aussi la meilleure cyberattaque, dit Igor avec un accent russophone.

- Si c'est la cas, ce serait peut-être le moment de retourner ce fantôme qui nous observe avec un effet miroir. Avec des offres à hauteurs de nos ambitions de protection, bien entendu, répond Noémie.

Igor tente de faire sourire et n'y parvient qu'à moitié.

- En effet. Un fantôme, cela se repère avec les chaînes qu'il trimbale au pieds et peut-être de la monnaie forte sonnante et trébuchante, qu'il laisserait choir sur le sol. Y-Un hacker un peu débrouillard peut infiltrer les tables BGP par le le niveau le plus élevé des fournisseurs d'accès de la planète, modifier toutes les adresses de routage et ainsi perturber nos propres moyens de communication pour nous empêcher de pouvoir réagir.. 

- Quel est le rapport avec votre virus? Un FAI ne peut se permettre d'interrompre l'accès à Internet à ses clients. Ils y sont obligés par contrat ou alors ils devront mettre la clé sous le paillasson. Mais nous ne sommes pas des clients comme les autres. Il s'agit de sécurité nationales. Les nouvelles technologies ont rendu l'humanité plus puissante d'un côté et plus fragile de l'autre. Le pouvoir rend faible et vulnérable en perdant la confiance de ses internautes. Si ceux-ci ne veulent pas se faire truander, ils n'ont qu'à se déconnecter de cette toile d'araignée. N'est-ce pas le nom de notre projet global? Alors, entre temps, est-ce un drame pour nous d'avoir à débourser pour débaucher ou une opportunité pour un Russe sous la cuirasse de Poutine?, conclu Noémie avec une philosophie toute personnelle et en faisant rire toute l'assemblée.

Noémie à l'art de retourner la situation à son avantage. Elle me plait de plus en plus.

- Non, mais...

- Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis en géopolitique. Les réseaux sociaux se sont connectés à des millions d'objets. La pub vante ces objets et nous rend sensibles aux logiciels malveillants et espion. Internet n'a qu'un seul ennemi: la coupure d'électricité sans substituts de compensation. Un serveur attaqué par tous peut ralentir le flux de données et même jusqu'à bloquer le réseau entier. Cela peut servir si les dégâts étaient plus importants que les infos manipulées. Le processus dynamique en place doit avoir des court-circuits quelque part, non?

- Peut-être mais le système cherchera automatiquement un relais sur un autre serveur dans un processus volontairement dynamique.

- Est-ce dire que nous ne pourrions rien faire pour l'empêcher de nuire? Mais je suppose que vous n'avez pas encore jeter l'éponge et que nous ne sommes pas dans cette situation catastrophe.

- Je n'ai pas dit cela. C'est le fait qu'un virus soit dormant, caché et inactif qui accroit le danger et pourrait par routage corrompre les tables de référence et leurs index par une attaque "Distributed Denial of Service", le fameux DDoS, arrive en convertissant les demandes jusqu'à saturation et plus rien en fonctionne.

- C'est exactement ce que je propose de faire quand nous sommes visés. Depuis combien de temps avez vous ressenti une présence virale étrange?

- Ce n'est pas vraiment facile pour vous répondre. Un mois, deux mois... peut-être plus.

- Tant que ça? Tous contaminés?

Igor, prit de court, cherche une réponse plausible comme s'il devait avouer une bêtise de na pas l'avoir neutralisé plus tôt pour finir par dire:

- Le virus est programmé pour infecter tous les nœuds des serveurs., c'est-à-dire par le fournisseur d'accès touché.

- Faudra-t-il vous forcer à répondre: combien sont touchés? Tous?

- J'ignore. Si tous les FAI du pays ont transmis le virus à leurs clients, leurs contacts et leurs appareils, cela signifie que nous ne pouvons rien garantir même si la propagation peut rester limitée, dit Igor en grimaçant après avoir fait un mouvement de moue.

- Alors c'est nous qui pouvons mettre la clé sous le paillasson, casse Noémie..

- Non, cela signifie qu'il reste des objets non connectés à Internet qui pourraient encore fonctionner correctement.

- Mais comme Internet est international et que ces objets non connectés deviennent rares, ce serait la merde généralisée. Je sais que le risque zéro n'existe pas mais la priorité maximale est d'inoculer un anti-virus mortel pour cette bombe à retardement furtif et silencieuse. Pas de rançon à payer. Seulement des dégâts collatéraux à déguster. Si on ne le trouve pas, il faudra trouver celui qui donne le signal à distance pour entrer en action. J'arrête ici. Je ne vous en prie pas, je vous en conjure de me tenir au courant de la suite que vous donnerez. Pour Greg, je pense que cela pourrait être une première leçon et une première mise en route. Du sang neuf, c'est ça qui fait progresser.

La séance est levée.

Noémie quitte la salle sans être arrêtée par quiconque.

- J'ai une étrange impression que le service est mené avec une jolie et fine main de fer, dans un gant d'acier tout aussi trempé, dis-je à David.

- Mais le cœur et le cerveau sont intacts et originaux. Suis-moi. Continuons notre tour d'horizon.

David me présente successivement le français, Robert, l'américain, Bill et le japonnais, King.

Chacun présente son sport quotidien derrière l'écran.

- Pour aujourd'hui, c'est assez. Je vais avec toi pour te présenter notre gars de l'intendance. Tu dois recevoir une avance et une voiture pour tes déplacements. Tu en auras besoin pour te nipper autrement. Dans ton appart, tu as une grande armoire. Ce serait dommage qu'elle reste vide. Demain, tu as quartier libre. Tu te souviens du chemin pour aller te vêtir de manière un peu plus moderne.

- Bien sûr j'ai tout mémorisé. Je t'ai suivis mieux que ton ombre.

- J'espère que tu tireras aussi vite qu'elle, comme Lucky Luck, répond-il en en cherchant pas à savoir si je sais qui est Lucky Luck.

La tournée se poursuit pour faire connaissance avec quelques nouveaux collègues.

Un anglais, un indien, un russe, un américain, un suédois, un français me trouvent sympas.

Mais comment ne pas l'être après un contact qui dure à peine cinq minutes?

Retour à la réception...

- Y a-t-il une voiture de réserve que mon nouveau collègue pourrait utiliser?, demande David à la préposée.

- Attendez, je regarde dans le registre... Non, désolé. Pas avant lundi.

- Ok, tu n'as qu'à prendre un taxi. Je te reconduis chez toi, cette fois, me dit David.

..

06: Entre risques et résolutions

"Un lion ne s'attrape pas avec une toile d'araignée", proverbe américain.

15 octobre 2019:

Deux mois déjà depuis le 15 août qui a vu mon entrée dans cette maison de recherche de hackers et que je me suis intégré dans l'équipe multinationale du "Projet araignée", du "Spider project" comme on dit dans le langage local.

Tout le monde parle anglais dans cette ambiance internationale.

Pourtant, j'ignore toujours qui est derrière cette entreprise qui m'a engagé pour contrer la cybercriminalité.

Qui la finance?

Est-ce le gouvernement belge, l'OTAN tout proche, une ASBL, une ONG...

Rien n'est vraiment clair si ce n'est l'étiquette qu'on lui donne. 

Les quelques semaines depuis mon arrivée à Bruxelles ont passé très vite.

Dimanche dernier, on se croyait retourné en été et, au repos, j'ai été me promener avec David au centre de Bruxelles. Dans l'après-midi, il y a eu des échauffourées avec des écologistes activistes qui ne voulaient pas dégager les rails de trams. On disait depuis que les réactions étaient démesurées pour les autopompes et les gaz lacrymogènes par les flics.

Je n'étais pas loin de le penser, mais je faisais en même temps un parallèle avec notre travail de police pour traquer les arnaques et les pirates et je me révisais mon jugement en conséquence. Les informations qui circulent sur internet ont deux aspects: un bon et un mauvais, et notre rôle était de dénicher les mauvais pour les eradiquer. 

David est devenu un bon copain avec lequel j'avais fait ma première virée en ville.

Je ne le voyais pourtant pas souvent et j'avais profité de sa présence pour l'inviter à boire un verre à l'amitié qui pouvait se terminer par une sortie "diner" all inclusive différente de ce qu'on a dans notre boîte commune.

Hier, il était reparti en délégation, probablement en recrutement d'un nouveau membre pour notre petite organisation ou notre grande famille de chercheurs de bug en tous genres.

Comme celle-ci désirait avoir des membres de plusieurs origines et de nationalités différentes, cela lui occasionnait quelques déplacements en Europe et parfois dans le monde entier.

Je suis sûr que comme ancien, il en connait bien plus qu'il ne dit au sujet de la boîte.

Quand je lui pose des questions précises à son sujet, il dévie les questions ou me répond par une réponse bancale "On ne va pas parler du bureau quand on est en congé".

Je ne veux pas lui répondre, "parle s'en quand on y alors".

Le dimanche n'est pas un jour de congé pour tous, on se relaye la tâche d'observation des réseaux par une présence en trois équipes et trois fois huit heures de jour et de nuit. 

Quelques autres collègues sont devenus un peu copains avec moi mais sans plus.

On ne rie pas souvent dans le domaine des chiffres et le royaume des bits qui transitent par des tubes et des fils impersonnels quand les mauvais coûts viennent de l'extérieur aux moments où on s'y attend le moins.

Dis plus clairement, les problèmes de différences de cultures transparaissent toujours dans nos rapports sociaux.

J'ai appris à les connaitre en m'intéressant à leurs us et coutumes plutôt que par la psychologie de leur comportement personnel qui reste souvent abstrait par manque de liens réels directs.

Et puis, comme je l'ai ressenti, on ne se mélange pas vraiment entre cultures différentes. La complémentarité des cultures n'est pas recherchée. Elle est seulement adaptée aux besoins.

J'ai tout de suite compris que quand on entre dans un tel environnement avec une multitude de nationalités et de cultures au travers des réseaux virtuels comme liens essentiels inter-gallactiques que les amitiés doivent être rares.

La prison m'avait préparé mieux qu'autre chose à cet état.

Entré en religion sous le couvert des rapports sociaux virtuels, on parle un minimum.

Le côté amoureux encore moins, sous pression du hacking.

La combinaison de traitrises qu'on y découvre, ne favorise ni gaieté et ni enthousiasme, mais plutôt un certain excitation pour en trouver les failles dans les systèmes avec "le doigté politique" pour garder une harmonie forcée.

Chacun se doit de concentrer son attention sur les écrans en laissant s'écouler les fils de ses synapses, en en buvant le contenu à petites gouttes et en mangeant les neurones qu'ils transportent à gros débit.

Dans ce monde numérique, l'analogique est oublié. 

Celle qui est notre chef, Noémie n'a pas non plus l'harmonie nécessaire pour construire une équipe dans la pratique de la chaleur humaine en groupe.

J'ai compris qu'elle attend en permanence, les audits à un rythme trimestriel approximatif qui peuvent lui apporter des notes supplémentaires aux yeux de ses supérieurs hiérarchiques.

Arriviste avec son titre ronflant d'Administratrice, elles assument les tâches prioritaires pour assurer des systèmes de sécurité adéquats et à la rigueur, protéger les citoyens lambda dans un absolu théorique.

Garçon manqué et intransigeante, elle avait continué à faire son speech tous les vendredis pour ceux qu'elle appelait dans le bureau de réunions mais pas pour tous et pas en même temps.

Elle suit la tangente des affaires en cours et résume les dernières trouvailles de nos chers hackers qui étaient sensés nous donner du travail de recherche pour correspondre à nos salaire qu'elle considère comme exceptionnel.

A mes yeux, en l'analysant chacun de ses meetings où elle prend la parole et nous laisse débiter nos problèmes, elle a beaucoup perdu de ses attributs de beautés physiques dans son opération déviée de la séduction.

Son accoutrement n'a plus rien de féminin habillée de son jean qui a certainement beaucoup d'équivalent dans sa garde robe ou qui a dû être lavé plusieurs fois en machine automatique. 

Informaticienne, elle-même, elle reconnait les informaticiens par le fait qu'ils sont rarement normaux puisqu'ils se considèrent comme des gourous auxquels rien ne peut échapper et elle en use à fond et sans peur mêlés de reproches.

Aucun psychologue ne percevrait sa cuirasse car elle part du principe selon lequel les besoins vitaux, nourriture, chaleur humaine ne font pas le poids pour contrebalancer l'intérêt à se retrouver devant leur écran.

Intraitable devant le groupe, presque pour ne pas nous heurter, ses habitudes de management sont très masculinisée.

Psychologue, pourtant, elle change complètement de politique dans l'aparté sans plus attaquer de front mais de manière plus consensuelle en contournant nos jugements initiaux pour nous faire découvrir par nous mêmes de nos lapsus qui ne correspondent pas à notre fonction et puis finalement, pour nous rendre encore plus forts en sortant après son passage.

Elle sait que, nous, les "Tekos" purs et durs sont plus proches de leur ordinateur que de leurs congénères, et que nos potentielles aptitudes désordonnées, peuvent se contrer avec sa méthode dure, arrogante et antisociale devant le groupe, mais, avec plus de diplomatie en tête à tête.

Elle nous use avec ses techniques de pèche avec les armes de son charme de séduction féminine et féline à la fois, mais elle relâche l'étreinte en lâchant du lest pour fatiguer ses poissons.

Les membres les plus anciens du groupe font partie de la crème de ses Tekos sur lesquels elles se base car à ses yeux, ils peuvent se marier avec un robot pour témoigner du refus des normes sociales qu'on peut appeler la comédie humaine.

La maxime "diviser pour régner" doit faire partie de son livre de chevet.

J'ai compris son manège et je ne m'y frotte pas ou plus. J'écoute, je prends note et je n'interviens plus en comprenant que nous sommes entrés pieds et poings liés dans l'ère des machines où la sensibilité n'a pas droit de cité.

Les faux geeks sont les premiers qui de guerre lasse, cherchent ailleurs sur les sites de rencontres, l'âme seul qui pourrait les satisfaire sexuellement, sous le contrôle d'algorithmes numériques pour éviter de se tromper.

Cette philosophie de l'irresponsabilité et du culte de la performance, baignent irrémédiablement dans l'ambiance.

Un jour pour tester notre réaction ou nous mettre à l'épreuve, Noémie avait elle-même déclenché une alerte rouge sans nous le dire.

En bons soldats, tous se sont mis à la tâche sans résistance, sans beaucoup réfléchir à ce qui peut être plausible ou non, comme un nouveau chalenge parce qu'ils pensaient l'attaque réelle.

Tous s'étaient investis dans l'opération pour découvrir le véritable monstre du Lockness qui se cache derrière des lignes de code.

Le but intime de Noémie avait été de montrer à tous combien une opération de piratage pouvait être facile, mais c'était une occasion pour elle aussi de démontrer que si on lui attribue des couilles, c'est qu'il faut l'aimer telle qu'elle est, sans tenter de changer un iota à ses convictions de management via ses obsessions de créer un centre de qualité de la mise en pratique de la Théorie Z. 

Moi qui ai l'habitude de vivre seul et sans chef, j'avais pensé que son commandement pourrait me générer des décharges électriques et des orages en latence, une fois le subterfuge découvert.

Non, ce ne fut rien de tel.

Tous avaient trouvé cela normal comme dans les exercices de manœuvres militaires.

C'est à ces moments de stress planifiés que l'on découvre comment on se fait piéger par ce genre de cadres bien élevés, hautement qualifiés, trop honnêtes qui agissent sans se demander ni le pourquoi, ni le comment une telle opération était possible, normale ou non.  

Depuis, je mets en sourdine mes idées un peu folles pour un gars qui se trouve à l'essai et que l'on teste toujours sans le dire.

Il faut que je fasse mes preuves et que j'apporte des solutions inédites pour résoudre les problèmes coriaces sans que cela devienne un esclavage qui réponde au doigt et à l’œil sans réfléchir à un supérieur. Après, il me sera toujours possible d'exprimer mes idées.

La prison m'a appris à devenir fainéant et à rechercher un nouvel outil qui va faire sensation et faciliter mon travail de prospection. 

Sans le dire à personne, je me suis développé les prémices d'un utilitaire que l'on pourrait placer dans la catégorie des logiciels d'intelligence artificielle qui accélère le travail de détection des virus et en détecteurs de bug comme le serait un médecin informatique dans le repérage des programmes malades en relevant les anomalies en provenance de l'extérieur.

Au lieu de remonter la pente des réseaux et serveurs manuellement, mon logiciel le faisait plus radicalement que je ne le pouvais manuellement.

A chaque point de rupture dans la chaîne des serveurs touchés par un piratage, ce logiciel se met à scanner les intermédiaires, avec les tenants et les aboutissants pour remonter la filière de réseau en réseau.

Il n'est évidemment pas parfait et aurait besoin d'un peu plus d'expertises et de tests dans la vie réelle des réseaux, mais cela m'avait amusé comme s'il se présentait comme un jeu de l'oie.

Je n'avais aucune idée de combien de temps, je pourrais me livrer au développement de mon petit jeu de l'oie sans être démasqué avant l'heure, et je m'en foutais.

Au bureau, je remue chaque jour tellement de hackers que j'avais fini par acquérir une conscience ésotérique de ma nature transitoire à tel point que l'informatique n'était plus devenu qu'un symbole virtuel qui fait que plus on passe vite d'une affaire à une autre, d'une abstraction à sa concrétisation que les processus ne me permettraient plus de contrôler sa valeur absolue ou même de sa correcte localisation. Souvent c'est par une recherche en aveugle que commence le travail de repérage.

Les processus de ce travail étaient devenus un peu comme des objets quantiques qui pouvaient se trouver à deux places différentes en même temps.

Dans la virtualité, le vol des informations n'a plus rien de matériel dans son acceptation classique même si la transformation avec le réel est davantage de forme que de fond.

Avec l'avènement du numérique, l'argent que représente les informations enfouies en masse, dont on ne se rappelle même pas l'importance qu'une fois perdue, est devenu si peu matérielle que c'est à se demander s'il existe autrement que sous forme de bips électroniques que l'on suit comme de minuscules points lumineux rebondissant de satellite en satellite à travers l'espace intersidéral.

Ce n'est que lors de certaines échéances que les gouvernements s'inquiètent pour dédouaner et taxer ses citoyens.

Fini les CD, les DVD et autres moyens de sauvetage. Tout passe par les nuages, dans le cloud qui n'oblige plus à sauver ses billes.

Même les clés comme derniers gadgets de sauvetage compressés au maximum, ne permettent plus de départager, de détartrer, ce qui est utile à conserver et ce qui est complètement obsolète rendant le stockage des informations très peu efficace. Certains utilisateurs pensent que les règles de sécurité d'antan sont faites pour être transgressées. Les contrôles d'internet sont inexistants puisque la liberté d'expression est devenu primordial.

Les règles d'usage sont comme les poteaux qui délimitent une épreuve de slalom que l'on transgresse pour ne pas tomber.  

Je me demande ce qui se passerait si le cloud était piraté et deviendrait inutilisable.

Le piratage passe par la prostitution, le trafic d'organes, de drogues, de déchets toxiques, de faux médicaments, d'armes, dans lesquels la corruption, l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent font office de lois particulières.

Le cryptage était à la base de beaucoup de processus de transfert d'informations litigieuses qui transite d'un point indéterminé vers un destinataire qui ne l'est pas moinspodcast.

Un informaticienne avait été proposée aussi en test un peu avant mon entrée par David en provenance de France en fin juin.

L'époque pendant laquelle l'informatique était réservé aux hommes, est bien révolue, mais pour une femme réellement féminine cette informatique apporte une touche de sensibilité. J'ai immédiatement entamé un premier contact qu'elle n'a pas refusé.

Peut-être moins jolie physiquement que Noémie, mais tellement plus sympathique et moins calculatrice, j'étais entré en communication avec elle.

Il y a deux semaines, je l'ai invité et nous sommes sortis ensemble à Bruxelles, en bons amis plutôt qu'entre collègues. 

Novice en la manière de séduction masculine, ce n'est pas moi qui allait passer à l'étape suivante.

Huit ans de solitude intra-muros, beaucoup d'expertises dans ce domaine m'avaient changé et m'avait trop endurci le caractère.

Perdu dans mes réflexions, j'ai peut-être attiré l'attention de l'anglais, John qui occupe souvent le bureau en face du mien.

- Tu as l'air rêveur et sans entrain ce soir, m'a-t-il  dit, un jour.

- Peut-être un peu. Je suis sorti en ville hier soir. J'ai envie de rentrer plus tôt. Je ne me sens pas trop bien. J'ai mangé quelque chose qui n'a pas passé.

- Si c'est dû aux moules, tu dois savoir qu'il y a des virus qui s'y cachent. Il faut que tu purges comme font nos "wipers".

- Je sais mais ces wipers-là effacent tout sur leur passage en silence et rançonnent ceux qui s'y laissent prendre par des crampes d'estomac.

- Tandis que les moules te volent dans les tripes et cambriolent ton estomac sans chercher la discrétion. Pourquoi se cacheraient-ils, d'ailleurs? Celui qui a été berné par elles, c'est toi, si tu  n'a pas prévu de médicaments sauve-qui-peut suffisamment anciens, tu te verras obligé de passer chez le médecin puisque des virus ont atteints déjà le niveau de tes tripes.

John s'amuse peut-être à tourner les virus corporels en virus informatiques et je joue dans son jeu ambigu.

- John, je vais devoir rentrer. Les virus informatiques attendront bien que mes virus intestinaux soient liquidés.  

- Pour toi qui a dû ouvrir une moule qui restait fermée, il valait mieux qu'elle le reste car si elle a résisté à la cuisson, c'est qu'elle ne voulait pas mourir et elle te rendra ton estomac inutilisable. Oui, eentre chez toi. Si tu veux qu'on parle un peu de tout ce qu'on fait ici, je te propose de partir ensemble demain soir.

- Ok. Bonne soirée. A demain. Tu m'excuseras auprès de notre chèfe bien aimée.

Cet anglais avait quelque chose de différent.

Quoi? Je n'aurais pu le dire.

Peut-être une attitude que j'avais connu chez Vic et qui s'était inscrit dans ma mémoire.

Peut-être le pragmatisme de Vic que j'avais déjà remarqué à la tâche qu'il distillait dans un champ magnétique par une intelligence impossible à maîtriser dans un courant induit que l'on rencontre chez fort peu de gens.

Un calme indéfinissable se cache derrière la manière de penser de John, avec sa voix douce mais qui comme une grenade, une fois dégoupillée, risquerait de tout faire exploser à la moindre secousse.

Je ne connais évidemment pas tout le monde dans le groupe qui travaille en équipe dans le temps, mais j'ai fait une constatation parmi ceux que j'ai appris à connaitre.

Ils sont tous sans famille, sans épouse et sans enfants.

Cela m'a paru étrange. 

..

07: Halloween se manifeste

Le sommeil n’est pas un lieu sûr.”, Jean Cocteau

Jeudi 31 octobre: Une nuit de sommeil profond aurait pu annihiler tous les effets d'une soirée qui avait été agitée. Ce ne fut pas le cas.

Remonter à la source est devenu mon sport quotidien comme contre-hacker.

Mais, ce matin, je n'en avais pas l'envie. Pas envie de me lever, de me laver. Je n'avais envie de rien.

Pas à dire, depuis que je suis au boulot à rechercher ces cybercriminels est devenu plutôt lassant.

Bien sûr, il y a des experts en la matière qui espèrent se faire payer pour obtenir la restauration des fichiers perdus par les utilisateurs qui n'auraient pas mis leur ceinture de chasteté et puis fier comme Artaban, annoncer de les avoir mis en hors d'état de nuire.

Cela pouvait-être de jeunes étudiants en informatique ou des organisations plus structurées et même étatiques.

Les plus vulnérables sont évidemment les premières victimes qui font semblant de connaitre l'informatique et le numérique sur le bout des doigts sans reconnaître qu'il faut parfois couper les ongles devenus trop longs pour taper sur le clavier de la machine.

Les virus les plus dangereux sont évidemment ceux qui ne font pas parties décrits dans les bouquins d'initiation à l'utilisation d'Internet bien loin des captchas qui font partie de la famille de tests de Turing permettant de différencier de manière automatisée un utilisateur humain d'un ordinateur pour vérifier que l'utilisateur n'est pas un robot..

L'illectronisme va bien au delà des "espérances" en agissant en "self-serf vice"..

Vic m'a toujours dit "Avant d'entreprendre, calcul le risque et la rentabilité d'une opération quelconque".

A son époque, je ne l'ai pas fait suffisamment et cela m'a coûté presque dix ans de taule. 

Les pirates informatiques qui réussissent leur coup, se font des millions de dollars chaque année par l'intermédiaire de l'imagination la plus fébrile.

Notre cheffe Noémie ne cultive pas la haine parmi ses troupes, mais cachée sous des attitudes masculines de garçon manqué, son potentiel notoire d'inimitié est bien présent.

J'ai compris qu'il vaut mieux l'éviter pour ne pas devoir subir ses remontrances.

Personne ne sait ni où elle vit, ni comment en dehors du bureau.

Le soir, elle part sans manifester son départ par un "au revoir".

L'attirance qu'elle obtient des autres, n'est que physique lié avec une fausse séduction via des fesses dans des jeans trop serrés, un chemisier déboutonné intentionnellement limité au début du creux de ses seins et de la vision de l'ondulation de sa croupe sans pouvoir y toucher.

Au bureau, j'ai une fenêtre devant les yeux et cela me permet d'apercevoir tous les déplacements organisés devant l'OTAN.

En semaine, les déplacements sont nombreux tandis que lors du weekend, c'est le désert assuré.

Les situations d'exception ne manquent pas à la suite de l'actualité fébrile du côté des blocs géopolitiques mêlant les tweets de Trump aux rebondissements sans fin autour du Brexit en passant par d'autres conflits dans le monde.

Je reste souvent dans mes pensées à me demander rêveusement comment le monde pouvait tourner aussi rapidement, comparativement aux jours, aux heures qui se trainaient lamentablement en prison d'où je suis sorti il y a à peine quelques semaines.

Dans mon studio, je reste souvent seul avec mon petit écran devant les yeux.

Parfois, j'ai la visite ou je suis invité par un ou deux colocataires indiens sur le même palier quand chez eux, c'est la fête, une fête qui arrive plus souvent que pour les occidentaux.

Il suffit de lire le nombre élevé des étiquettes aux noms exotiques, collées sur les boîtes aux lettres de l'entrée dont on ne prend pas le temps pour les renforcer par des plaques métalliques. Les informaticiens indiens sortent tous les ans des écoles de Bengalore au besoin au forceps.

J'avais opté pour un petit véhicule pour me déplacer mais souvent, j'utilise le vélo Uber qui se trouve généralement devant l'immeuble. Et comme il fait beau mais froid, je l'ai pris pour me rendre à ce que j'appelle maintenant ma deuxième piaule qui occupe mon temps et qui remplace la taule d'avant.

Elle m'amuse vraiment cette ressemble des deux mots.

J'ai reçu en prêt un Netbook ou plutôt d'un Smartphone au dimension d'une tablette pour rester en contact, disponible en cas de problème. Mais ce dernier est resté muet pour tout ce qu'il le concernait dans cet objectif.

La présence de nuit au bureau est tout à fait sporadique.

Et, ce matin, comme d'habitude malgré ma flemme, je me suis levé, lavé et je me suis rendu à la base de nos recherches de vilains cocos.

- Partons ensemble à 09 heure pour prendre les croissants du matin. Je connais un petit endroit où ils en préparent de délicieux. Rien de très folichon à se farcir pour le moment. Les gens se prépare pour se remémorer leurs ancêtres au cimetière. Je t'invite, me dit le collègue anglais, John.

- Ok.

John est le parfait british dont il ne manquerait que le chapeau boule, pour compléter le tableau.

Déjà,  dans la voiture, John embraye sa conversation.

- J'ai appris tes antécédents judiciaires et le fait que t'as purgé dix ans de taule mais j'en n'ai rien à cirer. Tes bouquins que tu as pu lire pendant tes années de taule sur le sujet et notre métier, ne valent rien.

Il s'arrête quelques instants en me regardant pour constater mes réactions.

N'en décelant pas, il continue.

- Ce sont les concepts qui se cachent derrière le numérique, sont seuls à prendre en considération n prenant du recul.

- Dois-je prendre des notes?, dis-je avec un sourire ironique.

- Tu peux, mais non, ce ne sera pas nécessaire. Si tu sais écouter avec ton cerveau que je sais réceptif, la première chose que tu dois apprendre c'est à penser comme un ordinateur. Ceux qui ne seront pas capables d'emboîter ce pas de la révolution technologique et à ses concepts de base s'apercevront tôt ou tard que c'est eux qui sont devenus obsolètes et se faire piéger. Les techniques sont dépassées par l'époque qui comptent en micro-secondes.

John, au fur et à mesure qu'il débite ses idées, commence à décortiquer les sujets les plus complexes, en les clarifiant comme si c'était de l'eau de roche.

On arrive au petit endroit comme dit John.

Le petit-déjeuner arrive plus vite que je l'ai pensé avec la tasse au chocolat, annoncé comme spécialité de la maison.

- As-tu déjà étudié les cryptogrammes?, me demande-t-il.

- Un peu. C'est ce qu'on appelle l'art du secret. Il devrait être la base dans notre service, non? Pour vivre heureux vivons caché, m'a toujours dit mon copain Vic que j'ai malheureusement mis hors service et cela m'a valu ces dix ans de taule. C'est encore la seule manière de rester libre dans le meilleur des mondes. 

- Tu sais, c'est interdit d'utiliser des outils de cryptages comme PGP par exemple. Pretty Good Privacy. PGP est un système de chiffrement hybride, impliquant notamment une combinaison des chiffrements symétrique et asymétrique. C'est une excellente attitude si on peut la tourner à son avantage.

- Nous sommes là pour le déchiffrer quand ce n'est pas à notre avantage de le faire.

- Ouais, mais cela est loin d'être simpliste. Il faut autant de temps pour créer un vrai virus que pour le détruire et c'est loin d'être court J'étudie l'art du secret depuis si longtemps, codage, décryptage du renseignement, espionnage que j'ai fini par aboutir à une conclusion évidente qu'aucun secret ne résiste à la clairvoyance, si bien gardé qu'elle soit quand on a le temps nécessaire pour le faire. Le problème, c'est l'excitation que cette clairvoyance procure avec la promptitude avec laquelle nous sommes obligés d'y répondre, c'est dire que le créateur a toujours un longueur d'avance. C'est comme la vérité a des propriétés divines qu'il faut savoir reconnaître par un don inné du créateur et pas par un talent qui peut s'acquérir avec le temps pour le décodeur.

- C'est là tout le défi, non?

- Toute ma vie, j'ai recherché les défis. Je suis plus âgé que toi et je n'ai pas toujours exercé le job que nous exerçons ensemble aujourd'hui. Pour découvrir ce qu'est un défi, c'est quand tu en découvres un vrai. Un dur qui s'obstine à te rendre la vie amère. Un qu'on ne prévoit pas, qu'on ne peut prévoir parce qu'il n'a pas encore existé vraiment. 

- C'est évident. Il faut du hasard pour vivre.

Je lui répond cela ne sachant quoi répondre et où il veut arriver.

- Je ne suis jamais à considérer comme altruiste quand je consacre mon temps à une entreprise. A chaque fois, j'entends recevoir autre chose en échange et je ne veux pas te façonner à mon image même si je joue au Pygmalion.

- Pygmalion? 

- Je n'ai jamais cherché à découvrir l'âme sœur. J'ai fait du hacking sur plusieurs plateformes pendant des années. Je n'ai jamais été pris pour l'avoir fait. Comme toi, j'ai gagné à chaque fois parce que j'imaginais les moyens que le camp adverse avait à sa disposition pour me prendre à mon jeu. Puis un jour, fortune faite, je me suis amendé et j'ai changé de camp. Tout simplement. J'ai proposé d'offrir mes services à cette boîte puisque j'en connaissais pas mal de filons.

- J'ai connu cette époque, comme toi. Le hacking se limitait aux ordinateurs qui ne remontaient pas aux serveurs eux-mêmes comme j'ai pu l'apprendre. J'ai fait partie des pionniers du hacking. Si c'est ça être Pygmalion, j'en suis un aussi.

- Tu te souviens du 16 août et du virus qui avait été détecté mais était resté latent sans laisser de trace.

- Oui, bien sûr. C'était mon premier jour en entrée de service. On retient toujours ce genre de moment-là.

- La date avait-elle été choisie au hasard? Il y a des dates bien plus dangereuses. Nous sommes cette fois le 31 octobre. C'est tout autre chose.

- C'est le jour de Halloween et aussi le jour où le Brexit devait avoir été effectif avec ou sans accord. Et alors?

- Et alors? C'est en effet, un jour que l'on pense associer à cette plaisanterie enfantine de Halloween.

- Rien à voir avec le hacking, donc.

- Détrompe toi. Dans le hacking et le piratage, cela peut être tout autre chose. Il y a deux ans, j'ai connu un enchaînement d'événements disons "malheureux" se présentant autour de cette date. Cela a commencé par des choses anodines. Des inconvénients sans plus. Les caisses enregistreuses du supermarché étaient restées en panne. Mon écran restait résolument noir, muet pendant un temps limité avant de revenir à lui un peu plus tard après avoir relancé le bécane. J'ai dû proposer de payer en argent liquide parce que la machine enregistreuse de la caisse où je me trouvait était déconnectée. En sortant, les feux de signalisation clignotaient sans aider la circulation. Un ascenseur en sortant de chez moi ne fonctionnait pas. La télé et le téléphone, HS. Je me suis dit qu'il devait y avoir un problème important dans le quartier. Mais, j'ai fait comme si de rien n'était, j'ai attendu que cela se passe et revienne à la normale. Je n'ai jamais su s'il y avait eu une relation de cause à effet entre tout cela. Ce fut une fausse alerte, tout était revenu comme avant dans la journée, sans aucune explication.

- Cela a dû probablement être des concours de circonstances. Tu sais la loi de Murphy dont j'ai lu quelques éléments, je n'y crois pas vraiment.

- Peut-être. Mais, il y a des coïncidences qui...

Sa phrase s'arrête nettte par ces mots au moment où nos deux portables se mettent à sonner presque en même temps.

- Revenez, on a besoin de vous au bureau. Tout le monde présent est sur le pont.

- Que ce passe-t-il?

- On vous expliquera à votre arrivée. Ce serait trop long de devoir le dire au téléphone. Surtout ne semblez pas trop inquiets.

Comment paraître inquiet quand on ne connait pas la raison pour l'être.

Le déjeuner n'est pas terminé.

Nous prenons le chemin de retour comme si nous étions des pompiers en service dans l'urgence.

A l'arrivée dans le bâtiment, rien de précis qui justifierait une panique quelconque.

Tout semble fonctionner à merveille.

Rien de ressemblant avec ce qu'avait raconté John, il y avait seulement quelques minutes.

Je laisse John me précéder, sensé avoir plus d'expérience vu son ancienneté dans la boîte.

Dès que les sas successifs sont franchis, il y a pourtant une effervescence inhabituelle qui règne dans le saint du saint.

Des petits groupes se sont formés comme s'ils regardaient un match de foot, avec les yeux rivés sur les écrans, entourant à chaque fois, l'un des collègues avec le clavier sous des doigts agités.

Mais cela n'a rien à voir avec du foot. Cela génère un stress mêlé d'adrénaline. Une image fixe apparait sur les écrans. Une même image que je n'avais jamais vue et qui est signée "Anonymous".

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Sous l'image, il est écrit:

Nous sommes Anonymous.

Nous savons qui vous êtes mais vous ne savez pas qui nous sommes.

Nous sommes partout. Nous sommes universels.

Ne cherchez pas à nous découvrir.

Nous sommes au 90ème anniversaire du krach du 24 octobre 1929 et du 32ème anniversaire du krach d’octobre 1987.

Vous y avez réagi plutôt mollement.

Ce qu'a dit Greta Thunberg à l'ONU, vous indiffère.

Le bien-être des gens se détériore et vous vous en foutez.

Vous les surveillez pourtant et vous ne voyez pas leurs problèmes.

Cette fois, vous allez sentir les effets des situations que vous avez engendrées.

Depuis quelques temps, vous êtes infectés par un virus dormant.

Il est planifié pour agir par des actions désordonnées dans le temps et dans l'espace.

Il peut s'étendre comme une tache d'huile.

Il passera par des demandes de rançons, mais de cela vous en connaissez les ficelles.

Cela passera par ce dont vous n'avez pas encore imaginé les effets.

Tout peut être impacter à n'importe quel moment.

Nous vous en laissons la surprise à votre imagination.

N'essayez donc pas de décoder ce virus, de chercher une clé ou un mot de passe pour annihiler ses effets.

C'est plus sophistiqué.

Il demande un codage spécial comme contre-poison.

Cette coupure qui ne durera qu'une heure n'est qu'un avant goût.

Préparez-vous si vous le pouvez

Dans quelques minutes, tout va revenir comme avant.

Mais nous n'aurons pas disparu pour autant.

Joyeux Halloween...

A partir de maintenant, tout peut vous arriver...

 

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Du coin de l’œil, je vois John qui surveille mes réactions.

C'est comme s'il avait eu une prémonition de ce qui nous arrive.

Il y avait longtemps qu'Anonymous ne s'était pas manifesté avec le masque de Joker, il n'avait pas changé d'avatar, alors qu'il aurait pu le faire pour faire moderne....podcast

Les questions fusent.

- Avez-vous déjà essayé de relancer la machine?

- Oui, répond l'un.

- Avez-vous rechargé un sauvetage plus ancien.

- Oui, répond l'autre.

Le virus doit déjà être entré dans le système depuis longtemps, si pas très longtemps.

Non découvert, il a été entraîné lors des sauvetages quotidiens.

Recharger une version très ancienne pourrait faire perdre tout ce qui a été réalisé depuis lors.

Tout à coup, tous les écrans se sont remis à fonctionner normalement comme si rien ne s'était passé.

Quand est-ce que ce virus va-t-il se manifester?

Jusqu'où ira-t-il?

A qui passer la tâche pour répondre cette peur sourde d'un futur qui ne dit pas ses objectifs?

Heureusement que “La peur est la sœur de l'imagination.”, comme disait quelqu'un.

..

08: Armistice ou crise?

La crise d'hier est la blague de demain.”, Herbert George Wells

Lundi 11 novembre 2019, 12 heures:

Nouveau jour de congé pour célébrer l'armistice qui a été signé il y a 101 ans.

Jour de repos qui prolonge le weekend pour la plupart.

Pour nous, toujours alternativement de garde au poste, c'est à moi que revient l'honneur avec trois autres collègues souvent jeunes, d'être présents.

Honneur vite accepté puisque je n'ai pas de famille à la maison.

Souvent parmi eux, je me suis senti un peu vieux jeu alors qu'ils avaient des méthodes très expéditives.

Tout est calme.

Le temps sera à la pluie après un dimanche ensoleillé pendant lequel j'ai eu l'occasion de me balader en ville à bord d'un vélo électrique Uber qui était devant chez moi.

0.JPGJ'aime cet atmosphère cosmopolite de la Grand-Place très différente de ce que j'ai connu dans mon pays natale. J'ai pris quelques photos dont une qui montre un jeune qui présente une série de photos à des plus jeunes encore, en demandant ce qu'ils y voyaient.

Le soir, je regardais le feuilleton "Unité 42".

C'est un peu le même rôle que nous avons mais sans avoir d'armes à notre disposition.

Aujourd'hui, sera-ce le calme avant la tempête?

Qui sait... Un jour de congé pendant lequel nous ne sommes pas nombreux, ce ne serait pas le bienvenu....

Ce lundi, j'ai quitté mon studio, il y a déjà 6 heures. Il faisait encore noir.

Je m'apprête de descendre et d'aller boire un café à la cantine de la police et à chercher quelque chose à manger sur le pouce, un cannibale ou un ou deux pistolets, comme ils appellent cela ici, quand tout à coup, nos écrans allumés s'éteignent ensembles.

La même image que nous avions vu le 31 octobre réapparait avec un autre texte:

0.JPG

Nous sommes Anonymous.

Nous fêtons aujourd'hui le 101ème anniversaire de l'Armistice..

Une nouvelle fois, vous y avez réagi plutôt mollement à notre premier message.

Votre mollesse va vous coûter quelques désagréments personnels.

Vous êtes toujours infectés par un virus dormant.

Planifié pour agir par des actions désordonnées dans le temps et dans l'espace.

Mais je ne répète pas ce que j'ai annoncé.

Cette fois, nous passons à la deuxième phase.

Vous avez pu constater votre vulnérabilité lors de notre première intervention.

Cette fois, il s'agit le virus va devenir un "wiper".

Lequel?

Qu'aura-t-il détruit?

A vous de le découvrir.

Bonne recherche pendant cette période de paix et d'armistice...

L'émotion de la journée de Halloween revient sur nos visages.

Nous nous étions préparé à n'importe quoi mais pas à un "wriper"  dont l'attaque efface tout ou partie sur son passage. 

Un wiper nous en connaissons les effets.

Après son action, il n'y a plus rien dans les appareils connectés, routeurs et modems sur ce que le virus aura choisi de détruire.

Les serveurs pourraient ne plus être que des coques de noix vides.

En général, ce genre de programme malveillant ne sont pas conçus pour éliminer les données mais pour ne plus permettre de les atteindre par les utilisateurs. Il entre par les failles du système sans être vu.

Discret, quand il est repéré, c'est déjà trop tard.

Il ne recherche pas la discrétion après son forfait en rendant otage ce qui peut encore rester pour le constater.

Les questions-réponses commencent à fuser rapidement d'un interlocuteur à l'autre avec un peu de panique dans les regards et dans la voix

J'ai presque difficile à suivre d'où viennent, de quel auteur, les questions et les réponses se propagent comme une réaction nucléaire par fragmentation.

- En principe, l'objectif de ce genre de hacking, c'est de soutirer de l'argent.

- Oui, mais ici, il n'en est pas question puisque dans le message et il n'est pas fait mention de rançon en échange de la restauration des données perdues.

- Aucune demande de rançon, en effet. C'est ça, le plus étrange.

- Les raisons sont plus profondes en nous laissant douter de notre mission, de son utilité et de ses chances de succès.

- Leur virus effaceur a semble-t-il été furtif et silencieux. On n'a rien détecté malgré nos recherches depuis dix jours.

- Qu'espèrent-t-ils alors? Que nous faisions la pluie et le beau temps pour des écolos, que nous effacions toutes les tares du monde?

- Peut-être pas. Plus profond, cela veut dire que notre civilisation fait fausse route. Cela peut-être une infiltration à grande échelle.

- Rappelez-vous de la première menace, il y a aussi la propagation de la tache d'huile.

- Nous avons des sauvetages pour des cas pareils, non?

- Oui, bien sûr. Mais ce n'est évidemment pas globalisé sur le cloud comme le font les utilisateurs lambda pour aller plus vite. Le cloud est à la mode pour les entreprises et pour les particuliers pour l'assurance de leurs données. Ce serait trop dangereux pour nous car on ne connait pas qui détient les clés de ce cloud, si ce n'est que l'on sait que les Américains, les Russes ou les Chinois s'y cachent.

- Qu'avons nous comme autre solution dans ce cas?

- Il nous faut d'abord nous rendre compte de l'étendue du problème et du désastre s'il y en a un,  pour limiter la restauration de ce qui est perdu pour gagner du temps. Une restauration complète va nous prendre des heures avec les sauvetages quotidiens et une nouvelle coupure qui permettrait à d'autre hackers de sévir sans pouvoir réagir. Dans le fond, c'est ça la finesse de leur processus de perturbation: nous ralentir en chômage technique.

- De plus, les sauvegardes ne sont d'aucun secours si l'infection y est déjà introduite depuis longtemps.

- C'est vrai. Il peut avoir migré comme un véritable virus dans des endroits sains comme une bombe à fragmentations, à retardement une fois explosée.

- Mais, elle n'est peut-être pas encore en action véritablement. Cela peut être du bluff et une menace qui nous aura fait perdre un temps précieux.

- Tu as raison. C'est ça tout l'art d'Anonymous. Nous pousser à faire du sur-place et tourner au ralenti. Nous faire peur en s'étant caché dans nos appareils et en attendant encore un autre signal pour entrer en action.

- C'est le grand art de la suspicion.

- Tout passe depuis qu'Internet et le numérique ont pris l'avantage par la dépendance sur les opérations manuelles et humaines.

Après le temps mort fixé sur cet écran noir avec les texte des Anonymous, voilà que l'écran de contrôle habituel revient. Le système s'est rechargé automatiquement.

Rien ne semble avoir changé à première vue.

Quelques manipulations fonctionnent et permettent peut-être de se rassurer prématurément.

- Assez philosophé. Les minutes qui suivent vont être très occupantes.

- Attention. Ce n'est peut-être pas uniquement nos écrans qui seront perturbés.

- Explique-toi.

- Je veux dire que si nos ordinateurs et nos logiciels sont hors d'usage mais que comme tout devient de plus en plus relié, couplé, connecté par des fils invisibles qui agissent plus ou moins en réseaux virtuels, cela pourrait caché d'autres problèmes. Quand l'électricité cessera de fonctionner, les ascenseurs ne fonctionneront plus. Ce sont les trains et les bus qui tomberont en panne et rendront les télévisions  HS. Même la distribution d'eau pourra être perturbée avec toutes les autres "futilités" du genre.

- Cela pourrait être plus qu'une coïncidence, répond John en cliquant un œil de mon côté.

Je ne lui rends pas.

- Un virus effaceur furtif et silencieux dont on trouvera les effets quand la coupure sera rétablie, ajoute-t-il.

- L'infiltration à grande échelle pourrait nous faire perdre énormément de temps par une restauration du système complet", dit un autre.

- Encore faudra-t-il déterminer ce qui a été conservé sur les routeurs pour ne pas devoir le faire et gagner un peu de temps. Nous avons un sauvetage journalier avec uniquement les modifications. Pas dans le cloud. Trop vulnérable.

Le souvenir du 31 octobre et de l'arrivé subreptice d'Anonymous est gravé dans nos mémoires et a laissé un goût amère sur les heures que cela nous avait couté pour tenter de remonter la filière à travers les réseaux.

Orienter les recherches en fonction de ce qui était dit dans le message.

Était-ce une action directe des écologistes qui avaient décidé de passer à la vitesse supérieure dans une désobéissance plus dure?

Des Gilets jaunes passés au rouge?

Les coups de fil chez des collègues étrangers n'ont pas manqué pour savoir si eux n'avaient pas reçu un tel avertissement sur la présence d'un virus programmé pour se manifester à des moments qu'il aura décidé.

Rien. Nous étions les seuls. Nous étions visés.

Nous sommes près de l'OTAN au centre de l'Europe, une première raison qui nous est venue à l'esprit pour avoir été choisi comme cible.

Depuis ce 31 octobre d'Halloween, rien ne s'est passé et nous restions attentistes sous les ordres de Noémie qui nous imposaient plus de vigilance que d'habitude.

Heureusement que je ne suis pas marié, ma vie de couple en aurait déjà pris des allures de bois brûlés suites à mes absences.

Notre dernier meetings avec elle a eu lieu le 1er et le 8 novembre comme d'habitude.

Elle nous avait à nouveau fait le sermon de la bonne du curée qui nous pousse à tenir bon et de continuer à rechercher ce virus latent et à identifier celui ou ceux qui se cachaient dans la gamme des redresseurs de torts.

Il y a eu comme d'habitude des personnes qui nous contactent mais pas en direct plutôt par l'intermédiaire des flics de l'étage du dessous qui quand ils n'ont pas envie de chercher nous retransmettent la patate chaude happée par un branleur qui tentait de pomper leurs infos par l'intermédiaire de mail et de tellement connu l'hameçonnage, le "fishing". Réponse habituelle qu'on leur faisait de ne plus répondre à des questions trop personnelles et de bloquer les comptes à la banque et peut-être en plus de quitter Facebook pour se faire oublier.

Dans ma période de vie pré-carcérale, les virus malveillants, je les introduisais avec Vic dans les ordinateurs des utilisateurs non protégés par des anti-virus.

Quand ils en avaient un, celui-ci ralentissait encore plus le processus que sans son remède et se remarquait facilement.

Aujourd'hui si les virus procèdent de la même façon, ils sont moins vite repérés vu la puissance accrue des processeurs d'ordinateurs et agissent plus discrètement.

D'ailleurs, comment distinguer les publicités tellement nombreuses qui s'introduisent dès l'appel d'un mot, d'une phrase recherchée attaquée ensuite par des adwares?

La question principale à se poser: "Sont-ils inoffensifs quand on clique sur l'un d'eux pour avoir son complément d'information?"

Il est toujours possible de le court-circuiter et de remplacer la pub, l'offre alléchantes par une fonction moins anodine à l'aide d'un bête code de quelques lignes.

Les hackers ont beaucoup d'imagination et toujours une longueur d'avance sur les modifications à apporter aux antivirus.  

Mais cela, c'est tellement courant qu'on ferait bien d'enregistrer les réponses pour gagner du temps.

Les problèmes avec les civils de la population intéressent plus la police demandant une enquête, étaient transférés chez eux à l'étage du dessous.

Nos enquêtes sont plus relatives aux relations internationales que locales et donc plus complexes.

Le jeune blogueur qui fait trembler par une blague, ce n'est pas pour nous. 

Je ne pensais même pas à tout cela, quand j'étais hackeur moi-même dans une autre vie.

..

09: Un Black friday pas comme les autres

Qui rit vendredi, c'est toujours ça de pris. Qui pleure vendredi, dimanche ne saura quoi faire.”, François Cavanna

 

Vendredi, 29 novembre

Aujourd'hui, je suis au poste comme d'habitude. Il fait sec, lumineux et 8°C au dehors...

Depuis le 11 novembre, je ne sais si c'est nous qui avons pris le taureau par les cornes ou si c'est Anonymous qui s'est amusé avec elles.

Beaucoup de recherches, de comparaisons des situations des machines avec leurs installations plus anciennes pour trouver ce qu'avait pu engendrer comme dégâts Anonymous. 

Les antivirus se sont mis à travailler sans relâche à la recherche de ce qui avait disparu ou simplement changé...

Ce fut rien ou presque rien, en tout cas, rien de vital pour les installations à part une directoire qui n'existait plus.

On n'était même pas sûr que ce ne soit pas l'un d'entre nous qui avait procédé à un nettoyage intempestif.

Dix heures du matin, dans un scénario devenu bien connu, nos écrans s'éteignent et le texte suivant apparait. 

0.JPG

Nous sommes Anonymous.

Cette fois, nous avons constaté qu'en Belgique, vous êtes passés à la vitesse supérieure.

C'est le "Black friday" alors que nous préférons "Green friday"

Vous avez mis le site Amaq hors d'état de nuire...

Et vous envoyez votre ex-Premier à l'Europe

Ce que cela va changer, on verra...

Nous avons rectifié nos plans de petits désagréments qui ne sont que temporels.

Nous avons planifié des actions désordonnées et sporadiques dans le temps et dans l'espace.

Nous ne répétons pas ce que nous avons annoncé.

Nous avons seulement une surprise à soumettre à votre imagination

Une vidéo dans laquelle vous verrez quelqu'un que vous connaissez bien.

Cette personne est notre invitée pour consommer un maximum jusqu'à épuisement

Elle sera bien traité à nos frais comme il se doit.

Cette nouvelle coupure dans vos activités ne durera qu'une heure

Vous aurez ainsi la possibilité de la revoir à loisir en cliquant sur le bouton annexé autant de fois que vous le désirez.

Nous espérons que vous continuerez avec le bon-sens.

Pressez le bouton ci-dessous...

O

L'émotion revient sur nos visages.

C'est vrai Interpol et notre service ont contribué au hacking de Amaq.1.JPG

Nous nous étions préparés à n'importe quoi en réponse par les djihadistes mais pas vraiment à une vidéo.

John clique sur le bouton et on voit une dame avec une cagoule sue le visage.

Derrière elle, quelqu'un dont on ne voit pas le visage à un bras et une main qui s’apprête à lui ôter la cagoule.

Il le fait d'un coup brusque et la surprise est énorme de découvrir Noémie avec les yeux perdus redécouvrant la lumière.

Elle a un bandeau sur la bouche pour éviter quelle fasse autre chose que de regarder la caméra qui doit être devant elle.

Une voix trafiquée se manifeste et qui dit "Vous voyez ce que l'on peut faire de moins virtuel que sur écran. Notre menace n'est pas à sous-estimer. Ne vous inquiétez pas. Votre cheffe va être libérée dans quelques jours. Elle ne risque pas plus que de devoir partager notre nourriture de merde pendant ce temps court. Elle au moins ne participera pas au Black friday. Elle sera libérée mardi. Repassez cette vidéo pendant l'heure qui suit. Enregistrer là, si vous le voulez. Vous ne découvrirez rien de plus qu'un mur blanc. ".

Noémie bouge la tête. Ses yeux sont terrifiés.

Chacun se regarde dans le bureau interloqué en espérant trouvé une réponse à une question chez l'autre: "qu'allons-nous faire maintenant?".

Nous n'avons qu'une heure avant que tout redevienne comme avant.

David réagit le premier en lançant à son collègue à l'écran:

- Sauve la vidéo. Pas sûr qu'elle donne beaucoup de renseignements sur l'endroit où elle se trouve, mais sinon on n'a rien. Ses kidnappeurs ont manifestement bien préparé leur coup et la mise en scène pour qu'on ne reconnaisse rien.

- John va chercher immédiatement quelqu'un de la police à l'étage du dessous. Cette fois, ce n'est plus notre job mais celui de la police.

David est le chef en second et ses réactions sont naturelles.

Nous n'avions pas mis la police dans les deux coups précédents d'Anonymous, mais cette fois, un enlèvement concret est plus grave que dans la mission virtuelle dont nous sommes chargés.

Il faut impliquer qui de droit. Nous n'avons pas d'armes ni de brassard dans notre service.

A part David peut-être, personne ne connait l'adresse où vit Noémie.

Un peu plus de cinq minutes suffisent pour qu'un chef de la brigade de police suivie de John apparaisse à l'entrée du bureau.

J'ai comme l'impression que c'est la première fois qu'il s'y introduise.

- Remontre la vidéo au major Vander Taelen. Je suppose que la vidéo est sauvée mais puisqu'on a le temps de la voir en direct", lance-t-il.

Celui-ci, avec un accent flamand, lance à l'adresse de David.

- C'est la première attaque de ce genre dont vous êtes victimes?

- Oui et non, nous avons déjà reçu deux attaques de Anonymous, mais nous avions considéré que nous étions assez nombreux pour y répondre. Il ne s'agissait que de menaces concernant ce qui se passe dans le monde. Vous savez les détraqués qui veulent faire sauter la planète, sont traitées en affaires courantes comme notre gouvernement", en finissant par un sourire narquois.

- C'est une erreur, vous auriez dû nous avertir. On aurait pu vous aider.

- Qu'auriez-vous fait de plus. Regardez, nous avons fait à chaque fois, une photo de l'écran qui nous avait perturbé pendant une heure seulement.

- Belle vidéo, explicative et encore pacifique quand on se rappelle que lors de cas de terrorisme de Daesh, ce n'est pas avec une cagoule sur la tête, mais une mise en scène de mort violente que nous avons pu voir. Vous nous appelez quand c'est déjà trop tard, d'après ce que je comprends.

- On ne va pas refaire un nouvel épisode de la guerre des polices, Inspecteur. Nous ne sommes pas habilités à détenir d'armes. Notre job se situe au niveau des liens de réseaux internationaux et pas des travaux de polices locales. C'est à vous de reprendre la relève comme c'est le cas dans l'autre sens dans d'autres cas. On ne vous cède pas le bébé. On désire de se partager le boulot. Je suis sûr cette fois que ce ne sera pas le dernier épisode des virus de nos chers Anonymous, même si l'on n'a rien découvert de dramatique. Je suis le patron en second après notre cheffe qui se trouve sur la vidéo.

Visiblement, David est de plus en plus sur les nerfs et le major devient plus doux.

- S'ils tiennent paroles, vos kidnappeurs vont remettre votre cheffe en liberté et peut-être saura-t-elle nous donner plus d'informations à son retour.

- J'espère que votre pensée de la situation sera réalisée.

- Vos kidnappeurs ont dû laisser des traces de leur forfait. Je suppose qu'ils ont dû observer les déplacements de votre cheffe et qu'ils ne sont pas loin. Je lance des recherches par la vision des enregistrements des caméras de surveillance.

- Merci, major. Nous chercherons de notre côté sur le plan de la virtualité.

La conversation s'arrête ici.

Il est clair que ce n'est plus une affaire internationale dont il s'agit.

Les ennemis sont trop proches et leurs revendications se précisent.

..

10: Opération "Coyote"

“Qu’il est curieux que la frayeur soit si souvent causée par l’inattendu !", Théodire Roszak

Vendredi, 13 décembre

Ce matin, je ne sais pourquoi, je me suis levé fatigué.

On annonçait de la pluie à Bruxelles et de la neige dans les Ardennes.

J'ai eu l'envie d'écouté la radio.

A Bastogne, on parlait du 75ème anniversaire de l'Offensive des Ardennes du 13 décembre 1944.

Je ne connaissais pas cet épisode glorieux qui avait relancé la guerre de manière inattendue par Hitler alors que pour les alliés, la guerre était bouclée, finie et gagnée.

J'ai ainsi fait certains rapprochements aléatoires avec notre époque qui a entamé une guerre dans la virtualité d'Internet qui n'était pas moins préoccupante mais qui ne semblait pas faire de morts sinon en différé.

Comme l'avaient dit les Anonymous, le mardi 3 décembre, Noémie était réapparue sans bruit ni trompette comme si rien ne s'était passé après son enlèvement.

Après la nouvelle du rapt, la machine policière s'était mise en branle immédiatement dès le weekend qui suivait.

Le major Van der Taelen avait repris cette charge mais nous étions tenus à l'écart avec très peu de nouvelles.

Stoïque, Noémie, elle-même, une fois revenue, n'en avait pas fait de publicité autour de nous.

En coulisse, la poursuite de l'affaire "enlèvement Noémie" avaient été limitée à un public de la police officielle.

On nous avait dit qu'on allait peut-être recevoir des nouvelles plus consistantes, ce matin, lors de la réunion hebdomadaire du vendredi.

Le major Van der Taelen avait probablement demandé de nous mettre au courant des maigres renseignements qu'il avait appris, pour arrêter les fake news.

Les imaginations étaient allées bon train mais elles n'allaient pas plus loin qu'avec les conditionnels d'usage.

De notre côté, nous nous sommes réservés aux recherches habituelles via le Web sans rien trouver de très concluant.

L'araignée du net n'était pas encore arrivée dans le concret.

Nous commencions vraiment à nous demander si toute l'affaire de ces Anonymous n'avait pas été une manière de nous faire perdre notre temps.

Leurs revendications tellement peu précises et le manque de réelles catastrophes annoncées par eux faisaient penser à une plaisanterie qui s'était terminée mal par l'enlèvement de Noémie.

Aujourd'hui, vers 10 heures, Noémie m'a demandé de la rejoindre dans la salle de réunion où nous sommes en général tous à écouter les nouvelles directives le vendredi matin

David y était déjà installé.

Noémie commence par relater le récit de son enlèvement.

- J'ai tenu beaucoup de points de mon enlèvement en secret. J'ai été interrogée par le major Vander Taelen à l'étage du dessous.Je n'ai d'ailleurs pu dire que très peu de choses. Mes souvenirs étaient bizarrement vagues comme si j'étais droguée.

Comment j'ai été été kidnappée? Qu'avais-je enduré pendant ma détention? Des questions presque bancales après un enlèvement.

Avais-je été suivie en voiture et à un moment opportun dans un endroit désert, capturée par un ou des hommes qui m'avaient interpelée et chloroformée.

Mon ou mes ravisseurs ont dû avoir repéré les lieux entre notre bureau et chez moi, ou alors lors d'une de mes sorties en ville.

Nos collègues de la police ont probablement depuis consulté les caméras vidéos installées autour de l'OTAN, visualisées dans les heures qui ont précédé l'enlèvement ainsi qu'après.

Ce que je peux dire c'est qu'après mon réveil, je me suis retrouvée les mains attachées derrière le dos, ballonnée, dans le noir absolu, une cagoule sur la tête.

Quand on me l'a ôtée, j'étais devant une caméra et un mur blanc devant moi, dans une chambre sans fenêtres et insonorisée. Au plafond, une lumière artificielle.

Ma réaction immédiate avait été de questionner pour savoir ce que je faisais là et qu'espéraient-ils de moi, au gars qui venait de m'enlever la cagoule tout en se doutant du lien avec les Anonymous.

Aucune réponse tandis que la caméra a commencé à tourner pour prendre les images de l'événement.

Toujours sans rien dire, il était sorti, en me laissant attachée.

Aucune fenêtre et aucun bruit donc difficile de me repérer et de m'orienter.

Le soir, une main qu'on m'avait détachée, l'autre attachée à un radiateur me permit de manger et de boire, ce que le même gars m'apportait.

Les flics n'en ont reçu aucune autre description sommaire.

- Vous n'aviez aucun souvenir des ravisseurs? demande-je.

- En cherchant dans mes souvenirs, les seuls indices que j'avais pu donner de mon agresseur était pour celui qui apportait de la nourriture : taille moyenne, passe-partout, les mains gantées, le visage toujours cagoulé.

Ce manège avait duré jusqu'au 3 décembre au matin quand le processus fut inversé.

A nouveau chloroformée, je me suis réveillée sur un banc parmi d'autres sdf.

L'endroit n'avait certainement aucun rapport avec l'endroit où j'avais été séquestrée.

J'ai pris un tramway pour rejoindre le bureau où les flics l'avaient immédiatement emmenée pour la questionner.

Les milieux du banditisme et les infiltrés de la police ont dû être questionnés sans résultat. 

- Tout cela pour un si maigre résultat. Les flics ont eu raison de ne rien nous dire, on aurait pu se fâcher au sujet de leur efficacité.

- Pas de nouvelle guerre des polices, Greg. J'ai décidé que nous allons installer une nouvelle action pour débusquer les Anonymous, dit Noémie d'une voix décidée.

Voyant mon attention étonnée, elle continue.

- Isolons notre réseau national de l'international dans une sorte de quarantaine, de rétro-ingéniérie. En bref, tous les systèmes de notre arsenal ne dépendent plus que de nos bases opérationnelles à l'étranger. Nous sommes désormais dotés de nouveaux logiciels totalement autonomes. Nous avons bien réagi et notre priorité numéro a toujours été de s'assurer que nos infrastructures ne tombent en panne rendant tous nos ordinateurs HS. Jusqu'ici, rien n'avait échoué et aucune preuve n'a pu être trouvée qui prouverait que nos systèmes sont en danger en dehors de ce message annonciateur.

- Voulez-vous dire que nous abandonnons les recherches vers l'extérieur, demande-je.

- Non, pas du tout. Mais ils s'agit de procéder autrement. Greg, tu permets que qu'on te tutoie.

- Bien sûr, réponds-je surpris et interloqué.

- Tu es une des nouvelles recrues. Nous avons pu remarquer, David et moi, que tu t'es bien adapté et que tu fonctionnes à merveille dans l'équipe.

Nous avons confiance en toi et nous avons décidé de te mettre en chasse.

Il doit y avoir une taupe parmi nous.

Anonymous, un mouvement international? C'est pour moi une blague. Je sais que tu as un utilitaire pour faire des recherches automatiques sur les réseaux.

Interpelé et surpris que Noémie est au courant, je bégaie un peu pour répondre.

- Heu, oui. C'est un outil pour accélérer mes recherches sur le Web.

- Tu as pris cette initiative pour le bien du service. Rien à redire. Je suppose que tu peux le faire tourner en permanence. Comme une option, non?

- Exact. Je dois changer quelques paramètres et un peu de code. Je ne le faisais pas pour ne pas prendre trop de ressources du système mais pour accélérer mon travail de recherche.

- On s'en fout des raisons et des ressources du système. La fin justifie toujours les moyens. Cette fois, il faut détecter notre violeur embusqué pour le mettre hors d'état de nuire. Ce sera notre force de dissuasion. Appelons notre action "Opération Coyote". C'est comme le coyote qui va très vite et qui, installé dans les voitures, prévient des radars et des flics qui cherchent à t'attraper pour excès de vitesse.

Je ne connais ni les coyotes ni les radars sur le chemin de mon passé, mais l'image d'un animal de la taille de grand chien avec une fourrure poivre et sel, de grandes oreilles dressées, un long museau, des yeux noirs et brillants, me vient du fond de ma mémoire.

- Je n'ai pas ce genre de Coyote, mais j'ai remarqué qu'il y avait cela dans les commerces, mens-je puisque ce n'est vraiment pas le genre d'article qui m'intéresserait pour l'installer sur ma petite bécane à deux ou quatre roues.

- Fais courir ton programme coyote même si c'était un outil pour un autre but. Détourne-le de sa fonction initiale et trouve cette putain de taupe qui s'est infiltrée chez nous. Depuis mon rapt, j'ai un garde qui reste coller à mes talons. Je ne pense pas qu'ils vont réessayer de me remettre au pain sec. Tu me tiens personnellement au courant dès que ton coyote fera bip-bip. Levons la séance et au boulot. N'oublie pas, je compte sur toi. Dans une demi heure, je vais faire ma réunion hebdomadaire habituelle avec tous les présents. Tu y viendras aussi mais tu ne poseras aucune question pour te faire remarquer.

S'il y a une leçon à retenir de l'histoire humaine et du coyote, des plus primitives aux plus évoluées, c'est que toutes, sans exception, ont besoin d'un leader qui a des idées.

J'espère seulement que Noémie a vu juste.

Je ne l'aimais pas trop, mais depuis qu'elle a été kidnappée et qu'elle m'a mis dans la confidence de ses intentions, elle est remontée dans mon estime.

Nous nous levons en se regardant l'un l'autre avec un sourire en coin sur les lèvres.

Il était clair que, vu que tout s'était produit très localement, l'internationalité de l'affaire n'était plus à prendre en considération. Nous sommes en plein "problème local". Le major de la police nous l'a fait penser.

- Nous n'avons rien trouvé de très révélateur sur ce qui s'est réellement passé. Vous ne soupçonnez personne en particulier à l'intérieur de nos services?

- Pas à première vue, répondent ensemble Noémie et David après s'être consulté.

- Aucun sévices dans notre exploitation, à part, le message sur vos écrans. Des responsables à l'OTAN ont été questionnés. Rien ne s'y est passé. Pas de guerre mondiale à l'horizon, reprend Noémie.

Noémie et David s'étaient regardés une nouvelle fois, en secouant la tête.

- Je pense qu'il faut creuser cette piste du hacking par l'intérieur. La manière que nous avons été hackés pourrait le faire penser. Nous allons aider la police. Ne réparons pas notre réseau tout de suite pour extraire toutes les preuves de hacking. Suivons votre entourage dans leurs actes. Il est bien possible qu'il n'y a aucun virus dormant dans notre système. Ce n'est que nous qui avons été hackés. Quelqu'un dans nos rangs ne vous veut pas que du bien. Laissons planer le doute d'une invasion de la Russie, de la Chine ou de tous les pays que nous pouvons imaginer. Je ne pense pas qu'il y aura encore un autre avertissement de vos fameux "Anonymous.".

- Les Russes se sentent toujours menacés par l'OTAN et nous sommes, avouons-le très proches avec eux. Êtes-vous prêt à vous tromper?, dis-je.

- Oui et non. Ce sont les premières attaques que nous avons subi qui me permettent de penser à limiter nos recherches. Courons le risque. Du quitte ou double, prenons la première option. Elle coûte bien moins cher.

- Ok, jouons cette carte de l'innocence, pour clôturer cet apéritif informationnel, dit David.

- Oui. Je vais appeler tout le monde pour donner un résumé de mon affaire, dit Noémie

En parlant, elle regarde son PC et lance, toute heureuse.

- Je suis repérée par Google. Je viens de recevoir un mail qui me donne tous mes déplacements. C'est un véritable espion Google. J'ai souvent râlé à ce sujet. Mais, cette fois, je vais les remercier.

Noémie tourne l'écran vers nous.

Le mail a pour titre "Votre récapitulalif de vos trajets pour novembre".

Un bouton à presser "Explorer vos trajets".

Elle fait défiler les pages.

Un autre bouton "Accéder à vos trajets" et un dernier "Accéder aux commandes relatives à l'activité".

Tout est mémorisé. Les lieux ont même une photo. Elle parait étonnée.

- Rien d'anormal. Tu as ton portable et la géolocalisation qui permettent cela. Tu as dû cliquer sur un de tes paramètres pour accepter qu'on puise te géolocaliser, dit David.

- Je ne m'en suis pas rendu compte alors car d'après moi, je n'ai rien changé. Je ne l'aurais pas fait volontairement. J'étais donc surveillée sans le savoir. Mais cette fois, je vais regarder cela avec le plus grand intérêt. Cela pourrait être intéressant. Si c'est le cas, j'irai avec ce rapport chez ce major Van der Taelen. 

- Nous sommes tous surveillés, localisés dans nos déplacements. Après l'apéritif de David, cela pourrait même être de l'espionnite comme plat de résistance avec la cerise anonyme sur la gâteau comme dessert, dis-je content de ma réplique.

- Tu l'as dit, Greg. Désormais toute l'équipe est soupçonnée. A nous d'exercer tes talents de Coyote, dit Noémie en riant.

..

11: Un épilogue en queue de poisson

“Du commencement, on peut augurer la fin. ”, De Quintilien

Dès que la réunion du 15 décembre était terminée, je me suis mis à imaginer une correction à apporter à mon logiciel pour le transformer en logiciel espion qui devait rester tourner perpétuellement en machine pour loguer les attaques éventuelles d'un hacker comme Anonymous.

Je devais faire ce genre de transformation sans éveiller l'attention des collègues de l'intérieur. Les soupçons sont une arme à double tranchant pour celui qui dans les secrets, tant qu'ils ne sont pas partagés.

Il fallait rester naturel sans éveiller la suspicion qui dans mon passé ancien en tant que hacker moi-même, devait tenter d'éviter de la transmettre à mes victimes de l'époque.

Je me fis encore plus discret que d'habitude en espérant qu'ils ne le remarquent pas.

Imperceptiblement, j'observais ce qui se passait autour de moi.

Chaque fois que Noémie réapparaissait lors des habituels vendredis de réunion, j'y participais en écoutant mais sans rien oser répliquer.

Le coupable de notre hacking ne devait pas en faire beaucoup plus pour ne pas éveiller l'attention.

J'avais appris que la géolocalisation qui aurait pu renseigner du périple que Noémie avait suivi lors de son enlèvement, n'avait rien donné.

Comme de normal, son kidnappeur avait mis manifestement le portable de Noémie hors de service.

C'est la première chose que toute personne se doit de penser à supprimer tous les liens de communication pour rester dans l'ombre et ne pas se faire repérer.

Du côté de la police, rien ne semblait s'éclaircir sur les méthodes des ravisseurs dont les techniques restent spécifiques et comprises que beaucoup plus tard.

Noémie avait disparu pour les autorités policières et pour nous, l'avoir à nouveau à bord avait suffi et l'événement avait pris du plomb dans l'aile dans les mémoires.

Le lendemain matin, j'avais été très fatigué après une nuit de réflexions et des idées de corrections à mon logiciel mais j'avais immédiatement corrigé le code pour rester éveillé et en service. 

Rien ne pouvait arriver à nos contacts extérieurs. Ils étaient seulement mémorisés dans un fichier avec des remontées espérées jusqu'à la source.

J'espérais seulement que l'on ne me pose pas de question pour avoir commencé à occuper mon temps aussi souvent en dehors de quelques habitudes que j'avais prises.

Le fameux fichier de log était extensible à souhait.

Il était sensé faire figurer les références datées avec les heures, les minutes et secondes de toutes interventions suivies par la remontée vers le réseau d'origine d'où les contacts étaient partis.

Cela avait très vite fonctionné.  Trop bien, même.

Le problème principal était de fixer des limites à cette remontée dans les arcanes des serveurs pour ne pas encombrer par de trop nombreuxs contacts inintéressants pour répondre aux vœux de Coyote.

Pour tester le logiciel, je lançais moi-même des attaques sur le réseau en espérant que personne d'autre ne reprenne la recherche. 

J'avais constater que cette remontée générait tellement de lignes dans le log qu'il aurait fallu un temps considérable de recherche pour l'analyser.

Comme de normal, il déraperait dans une mauvaise direction et il fallait envisager de suspendre la voie susceptible d'être empruntée qui s'éloignait par trop du but.

Il fallait affiner cette remontée pour la recherche qui suivrait.

En secret, j'informais David du progrès de mon développement et lui aussi se rendait compte que l'idée même bonne nécessitait un temps trop important pour pouvoir réagir après coup et capturer le coupable.

Noémie avait promis de s'y atteler à partir de son bureau qui était à l'écart des autres collègues.

Jusqu'à quelle ramification fallait-il s'arrêter?

La dernière version de Coyote considérée comme acceptable, semblait plus limitée bien qu'il continuait ses actions toujours à l'aveuglette et le fichier contenant la liste des connexions à notre réseau s'allongeait mais moins longue pour ne pas être submergé lors de l'analyse et, par là même, devenait peut-être moins efficace.

Je n'attendais plus que Coyote entre en fonction comme un prédateur qui attend sa proie jusqu'au moment où celle-ci montrait le bout de son nez.

Comme le arnaqueur l'avait fait auparavant, je l'attendais le plus lors des jours de fêtes du réveillon de 2020.

Rien ne se passa ces jours-là.

Il semblait s'être endormi et, dans l'angoisse, je commençais à désespérer que mon logiciel Coyote ne soit pas suffisamment efficace.

C'est alors que le jeudi 16 janvier arriva.

Vers 13:00, un nouveau message de Anonymous se planta une nouvelle fois sur nos écrans en les supplantant avec la même procédure d'approche et de blocage.

Tous les écrans devinrent muets avant que n'arriva l'image connue suivie du message:

0.JPG

Nous sommes Anonymous.

Vous avez probablement cru que nous nous étions endormis pour passer les fêtes.

Vous aviez partiellement raison.

C'était la trêves des Confiseurs pour tout le monde, non?

Nous avons aussi rencontré nos familles respectives.

Cette fois, la date de mon apparition sur vos écrans a été choisie au hasard.

Donald Trump a mis un peu d'ambiance en Iran.

L'Iran n'a pas trouvé autre chose de répliquer sans beaucoup de résultat. La mauvaise cible était ailleurs.

Nous avons rectifié nos plans de petits désagréments qui ne sont que temporels.

Nous avons décidé de changer de cible en attendant ce qui allait se passer avec les nouvelles équipes européennes.

Si votre cheffe a pu éprouver quelques heures en notre présence.

Nous ne répétons pas le même scénario.

Toutes nos actions sont mandatées par notre imagination pour exciter vos surprises.

Comme d'habitude, cette nouvelle coupure dans vos activités ne durera qu'une heure.

Nous espérons que vous continuerez avec le bon-sens.

Au revoir et à très bientôt.

Le message s'arrêtait ainsi, sans rien dire de plus qu'ils étaient toujours là, attentistes.

Il est très différent des messages précédents. Il était là sans revendications supplémentaires, mais pour signaler que Anonymous était toujours là.

Pour moi, ancien arnaqueur, c'était assez étrange.

Tous les écrans revinrent comme si rien ne s'était passé.

Je regardai ma montre pour avoir l'heure à la seconde.

Il était 13:05:02 très exactement sur ma montre électronique.

Comme un habitué, je m'éclipsai jusqu'à mon bureau, attentiste, en me préparant à consulter ce que Coyote avait pu emmagasiner dans sa boîte à malice.

J'étais fébrile en priant intérieurement pour que mon Coyote l'ait piégé sans participer aux réflexions des collègues pour qui la surprise reprenait son champ d'inquiétude à nouveau surpris par l'attaque.

Je l'attendais ce moment presqu'avec impatience en attendant que l'heure passe le plus rapidement possible .

Dès que les écrans avaient repris leurs services habituelles, je sautai sur le log en me pointant à 13:04:30. pour le localiser Je constatai qu'il s'était bien rempli de plusieurs lignes pour faire mon scan. 

Je devais faire des efforts pour ne pas parler tout haut dans mon excitation.

Je repérai très vite le fil de départ qui avait coupé la communication normale et remontai progressivement millième de seconde par millième de seconde jusqu'à ce que je découvre enfin la source initiale après une dizaine de minutes.

Un Eureca sortit étouffé du fond de ma gorge et je jetai un coup d’œil dans mon entourage pour voir s'il n'avait pas réveiller quelqu'un.

Non, ils continuaient sans faire attention à moi.

Le transmit fatidique de lancement appartenait à l'IP d'un de nos ordinateurs, facilement repérable.

Il suffisait de chercher qui occupait la place à ce moment-là.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater que David avait repris cette place.

Lui qui était dans la confidence, c'était un comble.

La suspicion était exacte. Il s'agissait bien d'une taupe immiscée de l'intérieur du service.

Il fallait que j'en avertisse au plus vite Noémie, mais elle ne venait normalement que le lendemain vendredi.

Lui envoyé un SMS pour la prévenir, n'aurait pas été judicieux, elle serait arrivée, en sortant de l'habitude.

Le coupable présumé ou du moins le responsable ne pouvait pas être averti de ma trouvaille. 

Il fallait préparer un entretien et chercher les raisons du revirement de David pour avoir hacké le service tout entier.

David avait été tellement aimable lorsqu'il était venu me chercher quand je suis sorti de prison.

Comment peut-on avoir une vie parallèle totalement obscure?

Le lendemain vendredi, Noémie était là pour son rendez-vous habituel.

J'y assistai comme de coutume sans rien dire.

David était de la partie.

Tous avaient informés Noémie de la nouvelle attaque d'Anonymous.

Rien n'avait filtré de ma trouvaille.

Au moment de sortir, je lui fis un clin d’œil avec un doigt pour lui demander de rester dans la pièce.

Je lui donnai toutes les informations que Coyote m'avait apporté en tentant de garder mon calme.

Elle fut tout autant, sinon plus, surprise que David jouait ce rôle de hackeur mais aussi de kidnappeur. Comme sa voix avait été camouflée, elle n'avait pas reconnu son agresseur sous la cagoule.

Puis, les questions vinrent en cascade.

Depuis combien de temps et pour qui travaillait-il dans son rôle de sape?

Juif, faisait-il parie du Mossad ou d'un autre service d'espionnage?

Je regagnai mon bureau sans exprimer le moindre sentiment pendant que je vis Noémie descendre à l'étage inférieur, probablement pour faire part de l'affaire chez le commandant de gendarmerie.

L'action à prendre devait être concertée avec des gens qui ont encore plus l'habitude de malversations.

Une heure après Noémie me fait le même clin d’œil en m'invitant à la rejoindre.

Les conseils de la police et ce qu'ils allaient faire était simples.

Suivre David sans qu'il s'en aperçoive et le prendre sur le fait.

Un espion est toujours éduqué pour résister aux interrogatoires même musclés.

En fait, tout pour ne pas renverser les soupçons.

Ce fut fait dans les règles de l'art avec des policiers suiveurs que l'on changeait toutes les heures.

Le dimanche 19 qui suit, le dernier suivait à pieds David à 100 mètres de lui.

Dans un bruit assez sensible, un motard casqué approcha de David qui aurait probablement était une tombe.

Il héla pour qu'il s'approche. La main du motard s'inséra dans la poche de son blouson de cuir.

Une seconde après la main ganté du motard réapparut avec à son extrémité une arme de poing.

David a dû reconnaitre la forme d'un Makarov, l'arme favorite de l'Armée rouge.

Il s'apprêta à courir. Il n'eut pas le temps. la balle rata le front de David mais lui fit sauter l'arrière de la cervelle.

Le motard démarra en trompe.

L'opération de liquidation avait duré tout au plus cinq secondes et le suiveur n'avait même pas imaginé intervenir.

Depuis la veille, David avait dû sentir qu'il avait été dévoilé à la vue de mon rappel chez Noémie, qu'il était brûlé et il avait prévenu ses patrons.

Ceux-ci avaient considéré qu'il valait mieux détruire le problème à la racine.

Le suiveur revint immédiatement pour faire son rapport.

Personne ne saura pour qui David a travaillé.

Ce coup de théâtre avait étouffé dans l’œuf, l'affaire des Anonymous.

Quel organisme était derrière ces derniers?

Depuis, une enquête policière comménça de plus belle pour remonter aux origines de David. La police a évidemment sorti l'idée du Mossad impliqué dans cette affaire.

Israël a un service d'espionnage et de contre-espionnage tellement élaboré que découvrir le pot aux roses était encore plus complexe qu'une aiguille dans dans une botte de foin.

L'enquête n'apporta rien, aucune preuve de leur implication ni d'aucune autre provenance.

Comme histoire qui finit en queue de poisson, on ne pourra jamais trouver mieux.

J'aimais bien David, toujours empathique... peut-être trop, car sa vie été cachée derrière d'autres ambitions.

Dans les semaines qui suivirent, notre bureau a creusé l'affaire du hacking.

Personne n'a pu dire avec certitude qui était derrière ceux qu'on avait subi. 

Il fallait chercher à quelles organisations profitaient le crime.

Parce qu'il s'agissait bien d'un crime

Les soupçons se sont tournés vers le Mossad ou vers les vestiges du KGB.

L'indice que David est un prénom juif n'a pu ajouter un indice probant.

Mais nos recherches n'ont jamais pu être déterminantes pour établit une culpabilité d'un organisme d'état ou d'une organisation sectaire.  

Dans l'aventure, j'avais été gagnant en apportant mon concours par le développement de mon Coyote, n'était-ce pas le principal?

Et bien non, je me sentais responsable une deuxième fois.

Mon premier crime était en direct.

Celui-ci était en différé. Si je n'avais pas inventé ce Coyote, David serait probablement resté en vie.

C'est peut-être ça la différence entre la responsabilité et la culpabilité.

L'une est morale psychologiquement et l'autre, sociologiquement.

 

FIN

 

2.PNGAssassinats ciblés : comment Israël frappe ses ennemis à la tête
"Face à celui qui vient te tuer, lève-toi et tue le premier." C’est de cette citation du Talmud, un des textes fondamentaux du judaïsme, que le dernier ouvrage du journaliste et écrivain israélien Ronen Bergman tient son titre. Enquête étourdissante sur la manière dont le Mossad, l’agence de renseignement la plus connue d’Israël, programme des assassinats ciblés et envisage la défense et l'autodéfense. Depuis la Seconde Guerre mondiale, Israël a éliminé de manière ciblée plus d’individus que n’importe quel autre pays occidental. Ronen Bergman vient témoigner sur le plateau de "28 minutes". 
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06:25 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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